Comment mieux prendre soin du chat âgé
Ecrit par Sarah M. A. Caney
Les chats vivent de plus en plus longtemps et de mieux en mieux. Comment pouvons-nous nous assurer que nous leur offrons bien les soins dont ils ont besoin, notamment quand ils sont âgés ? Cet article donne quelques conseils en la matière, notamment dans le respect de l’approche « cat friendly ».
Article
Points clés
Il est essentiel de maintenir un contact régulier avec les propriétaires pour surveiller la santé des chats âgés ; le simple recueil d’informations et le suivi du poids peuvent aider à détecter des problèmes.
Les maladies subcliniques et les comorbidités multiples sont fréquentes chez les chats âgés, ce qui peut compliquer le diagnostic et le traitement de ces affections.
Les visites de contrôle visent à repérer des maladies le plus tôt possible, afin de pouvoir intervenir de manière appropriée.
Bien soigner les chats âgés est extrêmement gratifiant pour les praticiens et très apprécié par les propriétaires.
Introduction
Le terme senior s’applique généralement aux chats âgés de 11 ans et plus, même si ce terme peut parfois s’appliquer à des chats plus jeunes [1]. Au cours des dernières décennies, le nombre de chats qui dépassent largement le seuil du stade senior a progressivement augmenté, et nombreux sont ceux qui ont aujourd’hui une vingtaine d’années. Selon une publication récente, le chat le plus âgé au monde serait un chat londonien de 27 ans [2]. Les chats âgés de plus de 15 ans étaient auparavant qualifiés de gériatriques mais, à la suite de réactions négatives des propriétaires, l’organisation caritative britannique International Cat Care (ICC) parle désormais de chats super seniors, un terme beaucoup mieux accueilli. L’ICC a aussi réalisé un tableau qui compare l’âge des chats à son équivalent chez les humains et cet outil est utile pour aborder les questions de santé et de soins préventifs chez les animaux âgés (Tableau 1). En médecine humaine, réaliser des examens à différents âges, (comme la recherche de traces de sang dans les selles pour dépister un cancer du côlon), est devenu une pratique courante depuis de nombreuses années, et la récente stratégie de vaccination contre le Covid dans le monde a familiarisé les plus jeunes avec ce concept. Comparer l’âge d’un chat à son équivalent chez l’Homme est utile pour encourager les propriétaires à effectuer des contrôles adaptés à l’âge du chat, afin de protéger sa santé.
Tableau 1. Stades de vie et correspondances entre l’âge du chat et celui de l’humain selon l’initiative « Cat care for life » développée par l’International Cat Care.
Stades de vie | Âge du chat | Âge équivalent chez l’humain (années) |
---|---|---|
Chaton
De la naissance à 6 mois |
0-1 mois | 0-1 |
2 mois | 2 | |
3 mois | 4 | |
4 mois | 6 | |
5 mois | 8 | |
6 mois | 10 | |
Junior
7 mois à 2 ans |
7 mois | 12 |
12 mois | 15 | |
18 mois | 21 | |
2 ans | 24 | |
Adulte
3 à 6 ans |
3 ans | 28 |
4 ans | 32 | |
5 ans | 36 | |
6 ans | 40 | |
Mature
7 à 10 ans |
7 ans | 44 |
8 ans | 48 | |
9 ans | 52 | |
10 ans | 56 | |
Senior
11 à 14 ans |
11 ans | 60 |
12 ans | 65 | |
13 ans | 68 | |
14 ans | 72 | |
Super senior
15 ans et plus |
15 ans | 76 |
16 ans | 80 | |
17 ans | 84 | |
18 ans | 88 | |
19 ans | 92 | |
20 ans | 96 | |
21 ans | 100 |
Modifications physiologiques chez le chat âgé
De nombreux changements physiologiques ont lieu lorsque les chats vieillissent. On observe notamment une baisse de leurs capacités à sentir et à goûter la nourriture, à ressentir la soif (ce qui les expose à la déshydratation) et à digérer les matières grasses et les protéines alimentaires. Un chat âgé en bonne santé augmente en général sa consommation alimentaire pour compenser la diminution de l’apport en nutriments essentiels mais, chez certains individus, le phénomène est tel qu’il faudrait que le chat consomme 25 % de plus pour maintenir son poids. Les propriétaires doivent donc être encouragés à nourrir leur chat avec un aliment de haute qualité et un produit pour chats seniors s’avère le mieux adapté. Des données récentes ont montré que ce type d’aliments, dont la teneur en phosphore est modérément restreinte, aide à stabiliser la fonction rénale chez les chats présentant une maladie rénale précoce [3].
Chez les chats âgés, l’audition est également souvent altérée, la peau moins élastique (ce qui rend délicate l’évaluation de la déshydratation) et les griffes deviennent moins rétractables ; quand le griffage a aussi tendance à diminuer, les griffes peuvent donc s’épaissir et s’allonger excessivement (Figure 1). Le vieillissement oculaire peut entraîner une atrophie de l’iris et une sclérose nucléaire (Figure 2) et l’affaiblissement du système immunitaire rend les chats âgés plus vulnérables aux infections. Les modifications comportementales sont également fréquentes : les chats âgés sont par exemple moins actifs et passent plus de temps à dormir. Comme cela est parfois lié à des maladies sous-jacentes telles que l’hyperthyroïdie, l’hypertension systémique et la démence sénile, il est essentiel de questionner le propriétaire à ce sujet pendant l’anamnèse.
Quelles sont les affections associées à l’âge ?
Le Tableau 2 présente les affections les plus fréquentes chez le chat âgé. Plus il vieillit, plus le chat est susceptible de présenter une ou plusieurs de ces maladies ; les comorbidités multiples sont donc fréquentes, en particulier chez les super seniors. Il faut prêter attention aux détails afin d’inventorier avec précision tous les problèmes du chat, et s’assurer que le programme thérapeutique proposé sera optimal. Lorsqu’un individu présente plusieurs affections, les problèmes cliniques qui affectent le plus la qualité de vie du chat devront être traités en priorité.
Tableau 2. Problèmes de santé rencontrés chez les chats âgés et estimation de leur prévalence lorsqu’elle est connue.
Affections | Commentaires |
---|---|
Démence sénile (dysfonctionnement cognitif) |
Détérioration des fonctions cérébrales liée à l’âge, se traduisant par des modifications comportementales telles que la désorientation, des troubles de mémoire et des perturbations du sommeil ; elle affecterait plus de 50 % des chats de plus de 15 ans [4].
|
Constipation |
Fréquente chez les chats âgés ; parfois consécutive à diverses maladies sous-jacentes.
|
Surdité | Ce problème est courant chez les chats âgés mais il est parfois dû à un bouchon de cérumen ou à d’autres problèmes pouvant être résolus. |
Affections dentaires | Des soins dentaires sont souvent nécessaires. |
Diabète sucré | Il concernerait jusqu’à 1 % des chats et ce sujet est traité de manière détaillée ailleurs [5]. |
Hyperthyroïdie |
Environ 10 % des chats de plus de 9 ans en seraient victimes et diverses options thérapeutiques sont envisageables [6].
|
Maladie rénale | Elle concernerait environ 30 % des chats de plus de 10 ans [7]. |
Arthrose | Plus de 90 % des chats de plus de 12 ans seraient concernés. |
Hypertension systémique |
Elle serait présente chez 20 à 60 % des chats atteints de maladie rénale chronique, et chez 10 à 20 % des chats présentant une hyperthyroïdie [8].
|
Tumeurs |
Le traitement dépend du type et de la localisation de la tumeur.
|
Souffles cardiaques | L’hypertension, l’hyperthyroïdie et l’anémie peuvent en être à l’origine, ainsi que des maladies cardiaques primaires, telles que les cardiomyopathies. |
Qu’en est-il des maladies subcliniques ?
Les chats sont notoirement doués pour dissimuler les signes de maladie et de nombreux chats âgés ne sont pas présentés en consultation tant qu’ils ne paraissent pas vraiment malades. Malheureusement, cela signifie que le chat n’est amené à la clinique que lorsque la maladie a atteint un stade avancé. Une anamnèse détaillée et un examen clinique mettent cependant souvent en évidence des problèmes subcliniques chez des chats seniors et super seniors apparemment en bonne santé ; le cas échéant, il est vital de s’assurer que des soins appropriés sont prodigués. Par exemple, une étude à laquelle l’auteure a participé a montré qu’un tiers des chats âgés de 10 à 18 ans, apparemment en bonne santé, présentaient une densité urinaire inférieure à 1,035 ; cette valeur est communément citée comme le seuil inférieur de la fourchette normale pour ce paramètre [9]. Dans la même étude, le même nombre de chats présentait des affections graves, telles que l’hyperthyroïdie, l’hypertension systémique et la maladie rénale chronique. Une étude plus récente, faite à plus grande échelle, a révélé que la densité urinaire était inférieure à 1,035 chez 21 % des chats âgés de 10 ans et plus, bien qu’une maladie subclinique significative ait été mise en évidence chez un nombre plus faible de chats [10]. Il est essentiel que les cliniciens tirent le meilleur parti des visites vétérinaires des chats âgés, afin de favoriser la détection la plus précoce possible d’une maladie subclinique. De nombreux problèmes de santé courants peuvent être traités et, si le diagnostic et le traitement interviennent tôt, les résultats seront meilleurs.
Les chats sont connus pour être maîtres dans l’art de dissimuler les symptômes et de nombreux chats âgés ne sont pas présentés au vétérinaire avant que leur état ne soit visiblement altéré. Cela signifie malheureusement que les maladies des chats vus en clinique ont souvent atteint un stade avancé.
Quels sont les contrôles à faire chez un chat âgé ?
L’auteure suit les recommandations de l’ICC « Cat Care for Life » (https://icatcare.org) qui préconisent au moins une visite vétérinaire annuelle pour tous les chats, tout au long de leur vie. Ces visites doivent inclure une anamnèse détaillée, un état des lieux de l’alimentation et des soins préventifs effectués, un examen clinique et une pesée. Lorsque le chat atteint le stade mature, senior et super senior, des examens plus poussés sont recommandés, comprenant des analyses de sang, d’urine et une mesure de la pression artérielle.
Les bilans de santé annuels sont recommandés pour les chats matures mais, pour les chats seniors et super seniors, l’ICC conseille d’augmenter la fréquence des visites (idéalement tous les six mois) et d’inclure la thyroxine sérique dans le bilan sanguin. Lorsque cela est possible, l’auteure préfère revoir les chats super seniors (c’est-à-dire ceux âgés de 15 ans et plus) tous les trois mois, contrôler la tension artérielle et faire une analyse d’urine tous les six mois, et réaliser un bilan sanguin tous les six à douze mois.
Commémoratifs
Les questionnaires de santé sont utiles pour repérer des problèmes et apprendre aux propriétaires quels sont les signes à surveiller (Tableau 3). Des questions à la fois ouvertes et fermées permettent de passer en revue les préoccupations du propriétaire et de s’assurer que rien n’a été oublié. Une attention particulière sera portée aux points suivants :
- l’appétit, le régime alimentaire actuel et le poids ;
- la consommation d’eau et les fonctions d’élimination (urinaire et fécale) ; la constipation peut être un signe de déshydratation chez les chats âgés ;
- la malpropreté ; elle peut apparaître chez les chats souffrant de douleur chronique, de mobilité réduite, de polydipsie, de polyurie et de démence sénile ;
- les modifications de la conscience et du comportement qui peuvent être des signes de troubles cérébraux ;
- les déficits visuels qui peuvent être consécutifs à une hypertension systémique.
Les propriétaires seront encouragés à signaler une évolution de l’état de santé ou du comportement de leur chat, même s’ils la jugent anodine.
Tableau 3. Questionnaire général de santé ; cocher les cases correspondantes ci-dessous ; répondre par « oui/non/pas sûr » à chaque question et ajouter des commentaires si nécessaire.
Avez-vous remarqué des modifications au sujet (…) chez votre chat ? | Oui/Non/Pas sûr | Commentaires |
---|---|---|
…. de la consommation d’eau ? | ||
…. de l’appétit ? | ||
…. de la façon de manger ? | ||
…. de l’haleine ? | ||
…. du poids ? | ||
…. du comportement ? | ||
.... de la mobilité ou de l’agilité ? | ||
…. du tonus général ? | ||
…. des comportements d’élimination ? | ||
…. du toilettage ? | ||
…. de l’état du pelage ? | ||
…. de la respiration ? | ||
…. de la condition corporelle ? | ||
…. des yeux, des oreilles et du nez ? | ||
… des griffes ? | ||
Autres modifications ? | ||
Questions à propos de la mobilité : est-ce que votre chat… | ||
… saute normalement en hauteur ?* | ||
… saute normalement vers le bas ?* | ||
… monte normalement les escaliers et les marches ?* | ||
… descend normalement les escaliers et les marches ?* | ||
… court normalement ?* | ||
… poursuit des objets en mouvement (jouets, proies, etc.) ?* |
* Si la réponse est « non » ou « pas sûr » à l’une de ces questions, il est recommandé de poser des questions plus précises au sujet de la mobilité et des douleurs du chat, en utilisant par exemple le questionnaire d’évaluation des douleurs musculosquelettiques chez le chat [11].
Examen clinique
De nombreux chats âgés sont très stressés par les visites vétérinaires. La douleur chronique, les déficits auditifs et visuels ainsi que les troubles cognitifs peuvent renforcer le stress et l’anxiété associés à cette expérience. Lorsque cela possible, les chats seront donc examinés dans leur boîte de transport s’ils n’en sortent pas spontanément (Figure 3).
La mesure de la pression artérielle systolique sera effectuée au début de la consultation pour minimiser l’effet du stress sur le résultat (Figure 4). Chez un chat vigile, l’auteure privilégie la méthode Doppler mais il est important de rappeler qu’aucun appareil de mesure de la pression artérielle n’a été validé pour une utilisation chez le chat vigile, et que les tensiomètres doivent donc être utilisés avec une certaine prudence [12]. L’examen oculaire, incluant celui du fond de l’œil, doit être associé à la mesure de la pression artérielle afin de rechercher d’éventuelles lésions des organes cibles (Figure 5). Le diagnostic d’hypertension systémique pourra être confirmé chez les chats présentant des lésions des organes cibles compatibles avec une pression artérielle systolique élevée, et un traitement sera alors proposé (Figure 6). Chez les chats dont la pression artérielle systolique est élevée mais qui ne présentent pas de signes de lésions des organes cibles, il est recommandé de répéter la mesure pour valider le résultat, en s’efforçant de réduire le stress susceptible de provoquer une hypertension situationnelle : l’augmentation transitoire de la pression artérielle est en effet généralement due au stress ou à l’anxiété.



La pesée, l’évaluation de la condition corporelle et de la musculature sont des éléments importants de l’examen. Des signes évidents de fonte musculaire ou de perte de poids, même progressives, sont préoccupants et ne doivent pas être ignorés (Encadré 1). Même si seulement un ou deux résultats de pesées antérieures sont disponibles, calculer le pourcentage de perte de poids aide à savoir si celle-ci est significative (Encadré 2).
Encadré 1. Interprétation du pourcentage de poids perdu : conseils de l’auteure.
Perte de poids > 10 % |
Une perte de poids importante implique de réagir immédiatement. Des examens complémentaires (analyses de sang et d’urine pour rechercher les causes fréquentes de perte de poids) sont recommandés.
|
Perte de poids de 5-10 % |
Une perte de poids significative justifie la réalisation d’examens complémentaires (analyses de sang et d’urine pour rechercher les causes fréquentes de perte de poids).
|
Perte de poids de 2,5 à 5 % |
En cas de perte de poids modérée, envisager des examens complémentaires (analyses de sang et d’urine pour rechercher les causes fréquentes de perte de poids) ou repeser le chat 2 à 4 semaines plus tard. Chez un chat présentant une maladie sous-jacente, même une perte de poids de 2,5 % seulement peut être significative et ne doit pas être ignorée.
|
Perte de poids < 2,5 % |
Une perte de poids non-significative peut être due à une fluctuation normale du poids ou marquer le début d’une perte de poids plus importante. En cas de doute, repeser le chat 2 à 4 semaines plus tard.
|
Encadré 2. Calcul du pourcentage de poids perdu.
Gandalf est un chat européen mâle de 15 ans, castré. Il pesait 5,17 kg quand il était en bonne santé mais son poids est descendu à 4,77 kg. Calcul du pourcentage de perte de poids
Conclusion : Gandalf a perdu 9,7 % de son poids corporel ; cela correspondrait à une perte de 6,1 kg pour une personne de 63 kg et justifie donc des examens approfondis. |
L’examen clinique général et approfondi d’un chat âgé ne devra surtout pas omettre d’inclure les étapes suivantes :
- palpation du cou pour détecter un éventuel goitre ;
- évaluation de la mobilité et de la souplesse articulaire lorsque cela est possible et que le chat le tolère (Figure 7) ;
- examen bucco-dentaire ;
- estimation de l’état d’hydratation ;
- auscultation pour rechercher un souffle ou une arythmie (fréquents chez les chats présentant des maladies telles que l’hyperthyroïdie et l’hypertension systémique) ;
- palpation abdominale minutieuse pour rechercher d’éventuelles masses et des endroits douloureux.
Examens sanguins et urinaires
Dans la mesure du possible, des prélèvements de sang et d’urine devraient être faits lors des visites de médecine préventive des chats âgés. Un profil sanguin idéal comprendra un bilan hématologique complet et des analyses biochimiques du sérum (en incluant le dosage de la thyroxine totale (T4) pour les chats seniors et super seniors) ; ces données sont précieuses pour évaluer la santé des chats âgés.
Si le propriétaire peut apporter un échantillon d’urine prélevé lors d’une miction spontanée, cela permettra de mesurer la DU et de faire un test avec une bandelette réactive. Si la DU est inférieure à 1,035, l’anamnèse détaillée pourra permettre d’exclure le plus grand nombre possible de causes non rénales et physiologiques pouvant expliquer la production d’une urine peu concentrée (comme une alimentation liquide, un traitement par des diurétiques ou une perfusion liquidienne par voie parentérale). Il est également recommandé de rechercher la présence de glucose (et d’un diabète sucré) grâce au test de la bandelette. D’autres analyses urinaires sont conseillées si le résultat de la bandelette ou la DU sont anormaux, de préférence à partir d’un prélèvement d’urine fait par cystocentèse. Chez les chats présentant une maladie rénale, il est par exemple conseillé d’examiner le culot urinaire, de demander une culture et de doser le rapport protéine/créatinine urinaire.
Comment rendre les visites plus « cat friendly » ?
De nombreux propriétaires redoutent les effets du stress sur leur chat lorsqu’il faut venir à la clinique, et cela peut les dissuader de répéter les contrôles, surtout si ceux-ci sont perçus comme non essentiels [13]. Il est conseillé de faire preuve de souplesse en ce qui concerne la nécessité des rendez-vous en présentiel, et de trouver des moyens d’aider les propriétaires de chats qui sont stressés par les visites à la clinique. Lorsqu’ils sont motivés, de nombreux possesseurs peuvent apprendre à collecter chez eux des données cliniques à propos de leur chat. Si elles sont de bonne qualité, elles serviront ensuite à prendre des décisions thérapeutiques. Cette collecte passe par l’acquisition d’une balance permettant de peser le chat à la maison et par la tenue d’un journal (pouvant être partagé électroniquement) où sont notées les données relatives au comportement, à l’appétit et au comportement d’élimination du chat. Lorsque la visite à la clinique devient indispensable, des mesures visant à réduire le stress du chat et de son propriétaire seront mises en œuvre.
Les consultations sans chat (auxquelles le propriétaire assiste seul ou qui se déroulent par téléphone ou par vidéo) sont parfois très appréciées. Même en l’absence du chat, elles donnent l’occasion de recueillir des informations détaillées et de répondre aux questions du propriétaire [14]. Ces rendez-vous peuvent également fournir l’occasion de donner des conseils au propriétaire pour limiter le stress lié à la visite vétérinaire lorsque celle-ci devient incontournable (Tableau 4).
Tableau 4. Comment réduire le stress associé à la visite à la clinique vétérinaire.
Choisir une cage de transport appropriée ; il est préférable d’opter pour une cage en plastique rigide, spacieuse et sûre, qui puisse être ouverte de manière à permettre l’examen du chat dans la partie inférieure. |
Acclimater le chat à la cage de transport à la maison. Lorsqu’elle reste accessible et que le chat est habitué à l’utiliser comme cachette ou comme aire de repos, il peut alors la considérer comme un endroit sûr, non générateur de stress.
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Vaporiser des phéromones sur la partie couchage de la boîte de transport, 30 minutes avant de placer le chat à l’intérieur.
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Ne jamais transporter plus d’un chat dans une cage de transport ; même les « meilleurs amis » peuvent être stressés lorsqu’ils partagent le même espace.
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Couvrir la boîte de transport avec une serviette imprégnée de phéromones pour permettre au chat de se cacher. À la clinique, la boîte de transport sera placée sur un siège ou sur une surface en hauteur plutôt que sur le sol, pour que le chat se sente plus en sécurité.
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Conduire à une vitesse constante et éviter d’utiliser la climatisation.
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Éviter tout contact avec des personnes et des animaux non familiers ; si une salle d’attente calme et réservée aux chats n’est pas disponible, le propriétaire pourra attendre dans sa voiture avec son chat jusqu’à ce que le vétérinaire soit prêt. Une salle de consultation vacante peut aussi servir de salle d’attente temporaire.
Des créneaux horaires réservés aux chats seront aussi très appréciés. |
Utiliser des diffuseurs de phéromones à l’intérieur de la clinique. Si elle est aussi fréquentée par des chiens, des diffuseurs de phéromones canines peuvent également s’avérer utiles.
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Envisager une éventuelle sédation avant la visite vétérinaire pour les chats qui sont très sensibles au stress ; administrer par exemple 20 mg/kg de gabapentine (incluse dans un peu de nourriture), 2 à 3 heures avant de mettre le chat dans la boîte de transport [15]. |
Les possesseurs craignent parfois que les examens et les traitements soient coûteux et ne contribuent en rien à améliorer la qualité ou la durée de vie de leur chat. Ils sont nombreux à croire qu’il est normal qu’un chat âgé soit maigre, avec le pelage terne, la démarche raide... Les propriétaires peuvent également appréhender que la dégradation de la santé du chat amène à recommander une euthanasie. Pour que les consultations des chats seniors soient réussies, il est donc essentiel que les propriétaires comprennent :
- que les affections subcliniques et cliniques sont très fréquentes chez les chats seniors, et que les progrès de la médecine vétérinaire permettent aujourd’hui de bien les prendre en charge ;
- qu’il est très important de faire un diagnostic précoce afin de tout mettre en œuvre pour améliorer le pronostic à long terme ;
- que le vétérinaire sera attentif au bien-être du chat et que les consultations ne seront pas sources de stress ni de douleur pour lui ;
- qu’une bonne prise en charge du chat exige une bonne communication et une approche collaborative, afin que les propriétaires se sentent responsabilisés et impliqués à chaque étape ;
- que le point de vue du propriétaire à propos des besoins de son chat prime et que, si nécessaire, le programme établi conjointement pourra être modifié à tout moment.
En replaçant la discussion au cœur de la relation avec le client, l’adhésion aux recommandations thérapeutiques est améliorée [16]. Les données relatives à l’expérience des vétérinaires en matière de prise en charge des chats diabétiques montrent aussi qu’il est préférable de proposer une prise en charge du type peu interventionniste et économique plutôt qu’intense et coûteuse [17].
Conclusion
Une bonne approche des chats âgés (seniors et super séniors) exige une démarche attentive mais elle est souvent gratifiante, à la fois pour le chat, le vétérinaire et le propriétaire. Maintenir un contact proactif avec les propriétaires de chats âgés permet en effet d’améliorer la santé des chats, car les affections sont repérées et prises en charge plus tôt. De nombreuses maladies touchant les chats âgés peuvent être traitées avec succès et leur pronostic sera amélioré si elles sont détectées à un stade précoce. Un bon suivi exige aussi de faire preuve d’empathie. Cette stratégie repose cependant beaucoup sur l’attitude du clinicien à l’égard de la médecine préventive.
Sarah M. A. Caney
BVSc, PhD, Dip. SAM (félin), MRCVS, Nantwich Pet Vets, Cheshire, Royaume-Uni
Diplômée de l’université de Bristol, Sarah Caney est une clinicienne qui exerce en clientèle féline exclusive depuis plus de vingt ans ; elle est reconnue comme spécialiste en médecine féline par le RCVS (« Royal College of Veterinary Surgeons »). Elle a travaillé dans diverses structures, incluant des hôpitaux universitaires et des cliniques privées de différentes tailles, et elle dirige actuellement l’activité féline d’un grand centre hospitalier vétérinaire britannique. La Dre Caney est également la fondatrice de Vet Professionals, une société qui mène des recherches (souvent via des enquêtes en ligne auprès des propriétaires et des vétérinaires) et propose des services de formation, d’édition et de conseil. De nombreuses ressources pour les propriétaires de chats et les vétérinaires sont en accès libre sur son site web (www.vetprofessionals.com).
Références
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