Diagnostic précoce de l’arthrose féline
Ecrit par Lauren M. Meneghetti et Karen L. Perry
Malgré sa grande prévalence, l’arthrose féline reste sous-diagnostiquée et insuffisamment traitée ; cet article indique comment nous pouvons relever le défi du diagnostic précoce, pour améliorer les interventions thérapeutiques.
Introduction
Selon les études radiographiques, l’arthrose toucherait 61 à 99 % des chats [1],[2],[3], ce qui en fait l’une des principales causes de douleur chronique dans cette espèce. Cette affection se caractérise par une dégradation et une perte progressive de cartilage articulaire (Figure 1), sous l’effet d’une altération du métabolisme du cartilage et de changements survenant dans d’autres tissus intra-articulaires tels que la synovie, l’os sous-chondral et les ménisques. Chez le chat, les articulations appendiculaires les plus fréquemment touchées sont le coude, la hanche, le grasset et le jarret [1],[3],[4].
Malgré sa forte prévalence, l’arthrose féline reste sous-diagnostiquée et insuffisamment traitée. Plusieurs raisons à cela ont été avancées, notamment les suivantes :
- Les chats sont présentés moins fréquemment aux vétérinaires.
- L’arthrose féline se manifeste par des signes subtils et non spécifiques.
- Douleur et boiterie sont faiblement corrélées chez le chat, et la boiterie d’un membre constitue rarement le signe clinique majeur de l’arthrose.
- Les propriétaires interagissent différemment avec les chats qu’avec les chiens.
- Le comportement des félins est différent dans l’environnement de la clinique.
- L’examen orthopédique provoque fréquemment des réactions de stress chez les chats, ce qui rend difficile de localiser la douleur et d’identifier des signes subtils.
- Les signes radiographiques d’arthrose sont faiblement corrélés avec les signes cliniques.
Les difficultés liées au diagnostic de l’arthrose féline ne font que s’accentuer lorsque l’on cherche à poser un diagnostic précoce ou à détecter des changements mineurs, ce qui est essentiel pour pouvoir intervenir précocement. Identifier rapidement la présence d’arthrose est pourtant une condition indispensable pour la prendre en charge efficacement, puisque cela permet d’initier un programme thérapeutique à long terme approprié et individualisé, et de rompre le cercle vicieux progressif de la détérioration de l’articulation synoviale [5]. Dans cet article, nous présenterons les progrès récemment réalisés grâce à l’utilisation des outils de métrologie clinique, de la goniométrie, de l’imagerie diagnostique et de l’arthroscopie, qui facilitent l’obtention de ce diagnostic précoce essentiel.
Instruments de métrologie en clinique
En raison des difficultés mentionnées ci-dessus, les modifications du comportement rapportées par le propriétaire restent le meilleur moyen d’évaluer cliniquement la douleur chronique du chat ; son témoignage est donc un élément essentiel du bilan de l’arthrose féline. Plus d’informations sur les comportements spécifiques seront recueillies grâce à des outils de métrologie clinique (OMC), de questionnaires sur la qualité de vie (QdV) ou sur la santé reliée à la qualité de vie (SRQdV). Ces outils ont été élaborés à partir de recherches rigoureuses visant à identifier et à valider les comportements clés qui signalent la douleur ou une altération de la qualité de vie. Ils comprennent généralement des questions relatives à la mobilité, à la capacité et à la volonté d’effectuer des activités, à la sociabilité et à l’auto-entretien du chat (alimentation ou toilettage). Les principaux objectifs de ces OMC sont de déterminer la présence d’une douleur associée à l’arthrose, et de mettre en évidence les améliorations liées au traitement.
Plusieurs questionnaires sur la QdV et SRQdV ont été publiés pour les chats atteints d’affections douloureuses chroniques. Il s’agit notamment, et la liste n’est pas exhaustive, de :
- Cat Health and Wellbeing HRQoL [6],
- Feline Musculoskeletal Pain Index (FMPI) [7],
- Feline Musculoskeletal Pain Screening Checklist (Feline MiPSC) [8],
- Feline QoL HRQoL [9],
- Montreal Instrument for Cat Arthritis Testing à l’usage des possesseurs [10],
- Montreal Instrument for Cat Arthritis Testing à l’usage des vétérinaires [10],
- Owner Behavior Watch [11].
Des OMC plus axés sur chaque cas particulier ont également été développés, tel que le Client-Specific Outcome Measures CMI. Ces questionnaires se basent sur les activités précises que le propriétaire considère comme problématiques pour son chat. À ce jour, il n’existe cependant aucune preuve montrant que ces grilles individualisées présentent un quelconque avantage par rapport à un OMC standard.
L’OMC le plus élaboré est actuellement le FMPI mais il est long à remplir. Une version courte du FMPI a été récemment été développée afin de fournir un outil de dépistage des douleurs associées à l’arthrose féline, qui soit rapide, facile et pratique à utiliser. Il permet aussi de sensibiliser les propriétaires aux comportements du chat pouvant être modifiés par cette maladie [8]. Il est intéressant de noter que cette version courte n’a pas altéré la précision du dépistage par rapport à la version initiale : la sensibilité, la spécificité, les valeurs prédictives positive ou négative n’ont pas été significativement modifiées. Le Feline Musculoskeletal Pain Screening Checklist (Feline MiPSC) peut servir de point de départ pour discuter de l’arthrose féline avec les propriétaires, et les inciter à demander un examen vétérinaire plus approfondi. La liste comprend six questions fermées (la réponse est oui ou non) visant à savoir si le chat peut ou non effectuer normalement certaines activités :
- Votre chat saute-t-il normalement vers un endroit en hauteur ?
- Votre chat descend-il normalement d’un endroit en hauteur ?
- Votre chat monte-t-il les escaliers ou les marches normalement ?
- Votre chat descend-il les escaliers ou les marches normalement ?
- Votre chat court-il normalement ?
- Votre chat poursuit-il des objets en mouvement (jouets, proies, etc.) ?
Si la réponse est non à une des questions (c’est-à-dire que l’activité n’est pas normale), une évaluation plus approfondie sera effectuée [8]. Le Feline MiPSC peut ainsi servir d’outil de dépistage tandis que d’autres outils, tels que le FMPI ou le Montreal Instrument for Cat Arthritis Testing, seront plutôt utilisés pour contrôler l’efficacité du traitement [8].
Quand commencer à utiliser le Feline MiPSC comme outil de dépistage est une question qui reste en suspens. Bien que la prévalence de l’arthrose augmente avec l’âge des chats [12], cette affection ne concerne certainement pas que des chats âgés. Une étude a montré que 34 % des chats âgés de 6,5 ans en moyenne présentaient des signes radiographiques d’arthrose [13] et il arrive (rarement) que des lésions soient déjà présentes chez des chats âgés d’un an. Comme le Feline MiPSC peut non seulement améliorer la capacité des vétérinaires à dépister l’arthrose, mais aussi sensibiliser les propriétaires de chats à cette maladie, les auteures estiment qu’il devrait être intégré à chaque examen général, quel que soit l’âge du chat. Lorsqu’il s’agit d’évaluer les changements de comportement associés à l’arthrose, des études ont montré que les réponses des propriétaires bien informés au sujet de cette maladie étaient très différentes de celles des propriétaires qui ne l’étaient pas [8]. Les chats étant plus susceptibles d’exprimer des comportements normaux à la maison qu’à la clinique, utiliser le Feline MiPSC peut améliorer le niveau de vigilance et d’implication des propriétaires, les rendant ainsi plus aptes à détecter les changements de comportement à la maison. Le diagnostic précoce de l’arthrose est alors grandement facilité.
Les signes comportementaux mentionnés par les propriétaires restent le meilleur outil clinique d’évaluation de la douleur chronique des chats, et ont donc une importance majeure au moment d’évaluer l’état des articulations d’un chat.
Examen orthopédique et goniométrique
L’évaluation des allures et les examens orthopédiques peuvent être difficiles à réaliser chez certains chats mais, en connaissant bien le comportement félin et sachant comment le manipuler correctement, il est possible de s’adapter aux caractéristiques du chat et d’améliorer sa compliance. La description complète de l’examen orthopédique du chat n’entre pas dans le cadre de cet article, seuls certains points clés pouvant faciliter le diagnostic précoce sont présentés ici.
La présence d’un crépitement, d’un épanchement articulaire, d’un gonflement de l’articulation ou une réponse douloureuse à la palpation augmentent la probabilité que des signes radiographiques d’arthrose soient détectables [14]. La sensibilité et la valeur prédictive positive associées à ces tests sont cependant faibles, si bien que la seule palpation ne suffit pas pour affirmer que des lésions d’arthrose seront présentes à la radiographie. En revanche, la spécificité et la valeur prédictive négative de ces tests sont plus élevées : l’absence de douleur, de crépitement, d’épanchement ou de gonflement lors de l’examen orthopédique peut permettre d’exclure l’arthrose avec un degré élevé de certitude [14]. Il a été montré que l’âge influence la sensibilité et la spécificité de ces tests ; plus les chats sont âgés, plus ces signes cliniques risquent bien d’être associés à la présence de lésions arthrosiques à la radiographie. Ces tests sont donc malheureusement moins utiles à la détection précoce de l’arthrose.
L’utilisation de la goniométrie est souvent négligée lors de l’examen orthopédique. Des lésions articulaires dégénératives réduisent l’amplitude normale des mouvements (ANM) et la mesure de l’ANM par goniométrie peut servir à diagnostiquer l’arthrose et à suivre son évolution. Les mesures goniométriques (Figure 2) sont faciles à effectuer et le fait que les chats soient ou non tranquillisés ne fait apparaître aucune différence clinique significative [14],[15]. Le Tableau 1 montre comment placer le goniomètre et quelle est l’ANM des différentes articulations (valeurs moyennes entre les mesures prises avec ou sans sédation) [15]. Les chats dont l’ANM est la plus élevée sont moins susceptibles de présenter des lésions d’arthrose à la radiographie, ce qui indique que l’ANM peut permettre d’exclure la présence d’arthrose. Inversement, une ANM réduite a été associée à la présence de lésions arthrosiques [14]. L’utilisation de la goniométrie est particulièrement intéressante dans le cadre du diagnostic précoce de l’arthrose car la relation entre l’ANM et la détection de lésions à la radiographie ne semble pas être influencée par l’âge [14].
Tableau 1. Précisions à propos de l’utilisation du goniomètre pour mesurer l’amplitude des mouvements du carpe, du coude, de l’épaule, du tarse, du grasset et de l’articulation coxo-fémorale. L’amplitude normale de mouvement (ANM) pour chaque articulation est également détaillée (ANM moyenne entre les mesures effectuées avec ou sans sédation) [15].
Articulation et placement du goniomètre | Angle de flexion (Moyenne (95 % IC)) |
Angle d’extension (Moyenne (95 % IC))
|
---|---|---|
Carpe : grand axe des os métacarpiens III/IV et axe longitudinal de l’antébrachium | 22˚ (21-23) | 198˚ (196-199) |
Coude : axe longitudinal de l’antébrachium et axe longitudinal de l’humérus | 22˚ (22-23) | 164˚ (162-165) |
Épaule : axe longitudinal de l’humérus et arête de l’omoplate | 32˚ (31-32) | 165˚ (162-168) |
Tarse : grand axe des métatarses III/IV et axe longitudinal du tibia | 21.5˚ (21-22) | 167.5˚ (166-170) |
Articulation fémoro-tibiale : axe longitudinal du tibia et axe longitudinal du fémur | 24˚ (24-25) | 164˚ (163-165) |
Articulation coxo-fémorale : axe longitudinal du fémur et ligne parallèle à une droite joignant les tubérosités sacrale et ischiatique, au-dessus du grand trochanter
|
33˚ (32-33) | 165˚ (163-167) |
Radiographie
En raison de sa grande disponibilité et de son rapport coût-efficacité, la radiographie reste la méthode la plus fréquemment utilisée pour diagnostiquer l’arthrose féline, même s’il est largement admis qu’elle ne permet de détecter que les stades sévères ou avancés [16]. Le diagnostic radiographique de l’arthrose féline se base sur la présence d’ostéophytes, l’augmentation de l’opacité de l’os sous-chondral, la minéralisation des tissus mous et intra-articulaires, l’épaississement des tissus mous et un épanchement synovial (Figure 3). Lorsque des lésions dégénératives sont visibles à la radiographie, l’histologie confirme la présence d’arthrose avec une très grande spécificité [16].
La radiographie est une modalité d’imagerie bidimensionnelle, ce qui signifie que des lésions peuvent passer inaperçues si elles ne se situent pas sur le bord ou à proximité des structures osseuses, ou si elles concernent d’autres structures que celles visibles [16]. De plus, la radiographie ne permet pas de voir le cartilage et les lésions visibles à la radiographie ne sont pas bien corrélées avec la dégénérescence du cartilage. Une étude a montré que, chez 71 % des chats présentant des signes macroscopiques d’arthrose au niveau du grasset, aucune lésion radiographique associée n’était visible [17]. Cette faible sensibilité limite l’intérêt de la radiographie pour détecter l’arthrose précoce ou légère. Une étude récente a même conclu que, lorsqu’une arthrose légère est visible à l’histologie, la radiographie n’est pas en mesure de la détecter [16].
Malgré ces limites, la radiographie est souvent la seule modalité d’imagerie disponible et son interprétation doit être optimisée. Savoir où regarder et ce qu’il faut chercher facilite le diagnostic précoce. Chez le chat, le développement d’ostéophytes peut être plus lent que chez le chien [2],[4] et d’autres critères radiographiques peuvent être plus utiles, incluant d’autres néoformations osseuses [17]. À la radiographie, les ostéophytes sont souvent considérés comme des signes majeurs d’arthrose mais chez le chat, cela ne semble être le cas que pour l’articulation coxo-fémorale [17],[18]. Pour les articulations du coude, du tarse et du grasset, les lésions radiographiques les plus courantes sont en fait les minéralisations associées à l’articulation, la prolifération dorsale de l’os tarsométatarsien et les minéralisations intra-articulaires [17]. Chez le chat, la recherche minutieuse de la formation d’ostéophytes à la radiographie sera donc complétée par le dépistage de ces autres formes de néoformation osseuse en périphérie de l’articulation. En outre, le diagnostic précoce de l’arthrose doit toujours tenir compte des limites de la radiographie. Si les signes radiographiques sont absents alors que l’arthrose est suspectée, mieux vaut utiliser des outils diagnostiques plus sensibles.



Figure 3. Illustrations radiographiques des lésions généralement associées à l’arthrose féline. Sur une vue ventro-dorsale des hanches (a), la formation d’ostéophytes est visible au niveau des marges cranio-dorsales de l’acétabulum, ainsi que le remodelage des têtes fémorales. Sur une vue médio-latérale du coude (b), une opacité accrue de l’os sous-chondral peut être observée dans la région péritrochléenne, en plus de la formation d’ostéophytes périarticulaires. Sur une vue médio-latérale du grasset (c), on observe une minéralisation intra-articulaire et un épanchement de synovie.
© Karen Perry
Tomodensitométrie
Grâce aux images tridimensionnelles obtenues dans plusieurs plans, la tomodensitométrie (TDM) présente des avantages significatifs par rapport à la radiographie pour évaluer l’arthrose dans les articulations. Elle est particulièrement utile dans le cadre du diagnostic précoce, qui vise à détecter des lésions arthrosiques légères. Deux études récentes ont confirmé la pertinence de cet examen pour le diagnostic de l’arthrose du coude et de l’articulation coxo-fémorale chez le chat [16],[18]. La TDM a en effet permis de détecter la maladie à des stades très précoces, avant même que des modifications macroscopiques du cartilage ne puissent être mises en évidence [18]. Dans toutes les zones présentant des lésions identifiées par TDM, l’arthrose a été confirmée à l’histopathologie, ce qui montre une haute spécificité pour un diagnostic précis [18]. De plus, les caractéristiques des ostéophytes mises en évidence par la TDM peuvent aider à évaluer la chronicité de l’affection : des ostéophytes arrondis semblent être associés à une maladie grave ou chronique tandis que des ostéophytes pointus, en forme d’aiguillon, sclérosés, semblent apparaître plus tôt au cours du développement de l’arthrose [18].
Comme cela a été dit plus haut au sujet de la radiographie, rechercher des modifications spécifiques peut plus facilement permettre de faire un diagnostic précoce qu’une évaluation subjective de l’ensemble du scan. Une étude récente portant sur l’arthrose féline du coude a montré que, si la sensibilité et la spécificité du diagnostic de l’arthrose par TDM sont supérieures à celles de la radiographie, la seule évaluation subjective présente une faible sensibilité pour détecter une maladie débutante au plan histologique [16]. La sensibilité et la spécificité ont en revanche été jugées respectivement modérée et élevée lorsque les aiguillons présents sur le bord latéral du processus anconé ont été mesurés (Figure 4) et qu’un seuil supérieur ou égal à 0,5 mm a été utilisé pour ces mesures [16].
La littérature récente et l’expérience clinique des auteures indiquent que la TDM peut aider à diagnostiquer l’arthrose à des stades précoces et modérés de l’affection ; cette option doit être envisagée lorsque la radiographie ne permet pas de conclure. Pour optimiser la sensibilité de cette technique d’imagerie, il est recommandé d’évaluer minutieusement et systématiquement les images, en utilisant des mesures spécifiques. Bien que la radiographie soit souvent considérée comme plus économique que le scanner, ce dernier est rapide et simple à réaliser chez le chat dont la petite taille permet d’évaluer toutes les articulations lors de l’examen du corps entier. Cela représente un avantage chez les chats dont l’examen orthopédique révèle que plusieurs articulations sont touchées, ou dans les cas où un examen orthopédique n’est pas réalisable et que la douleur ne peut donc pas être localisée.
Imagerie par résonnance magnétique (IRM)
En raison de sa grande capacité à évaluer la structure des tissus mous, comme le cartilage, l’intérêt de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) a été analysé dans le cadre du diagnostic des maladies orthopédiques. Il est bien établi que les lésions du cartilage précèdent les modifications osseuses (formation d’ostéophytes et sclérose) qui sont systématiquement recherchées à la radiographie et à la TDM chez les animaux atteints d’arthrose [19]. Théoriquement, l’IRM serait l’outil idéal pour le diagnostic précoce de l’arthrose car elle permet d’identifier les lésions cartilagineuses avant les modifications osseuses. Chez le chien, le cheval et les humains, l’IRM est en effet plus sensible que la radiographie pour mettre en évidence les changements structurels liés à l’arthrose, notamment les lésions cartilagineuses, les ostéophytes, l’épanchement articulaire et l’épaississement de la synovie.
L’IRM a également été utilisée chez le chat pour étudier la dysplasie de la hanche et l’arthrose. Une étude pilote [20] a montré que, si les ostéophytes et la sclérose étaient visibles à la fois à la radiographie et à l’IRM (1,5 Tesla), l’IRM a permis d’identifier plusieurs lésions d’arthrose chez un chat qui ne montrait aucun signe détectable d’arthrose à la radiographie ; l’IRM a mis en évidence une ostéophytose bilatérale, un épanchement articulaire et un amincissement du cartilage articulaire [20]. De plus, chez deux chats arthrosiques, l’IRM a révélé des lésions de la moelle osseuse dans la tête fémorale qui n’avaient pas été détectées à la radiographie [20]. L’IRM à haute résolution (4,7 Tesla) a cependant été utilisée dans une étude visant à examiner les articulations coxofémorales de chats sains ; elle a conclu que, si l’os sous-chondral fémoral et acétabulaire pouvait bien être visualisé, le cartilage articulaire était plus difficile à évaluer, ce qui limiterait l’intérêt potentiel de cette technique pour détecter l’arthrose à un stade précoce [21]. D’autres études seront certainement réalisées pour savoir si la précision diagnostique de cette technique peut être améliorée en modifiant la position du chat ou en agissant sur d’autres paramètres mais, pour l’instant, le coût de l’IRM et la nécessité d’anesthésier le chat semblent difficilement justifiables.
Diagnostiquer l’arthrose féline est plus difficile lorsque nous souhaitons établir un état des lieux précoce des articulations ou détecter des changements mineurs, essentiels pour permettre une intervention rapide.
Arthroscopie
L’arthroscopie est largement utilisée chez l’Homme, le chien et le cheval pour diagnostiquer et traiter de multiples affections articulaires, mais son adoption chez le chat a été plus lente. Cela est probablement lié au fait qu’il est techniquement difficile de réaliser une arthroscopie sur les petites articulations du chat, ainsi qu’au risque de lésions iatrogènes, au coût de l’examen et au manque de disponibilité de l’équipement nécessaire. Ces dernières années, l’apparition d’appareils plus petits a permis de faire progresser les connaissances en matière d’arthroscopie féline. Son intérêt est cité dans de nombreuses publications mais les données à son sujet sont encore rares dans des revues scientifiques avec comité de lecture.
La sensibilité de l’arthroscopie étant supérieure à celle de la radiographie, de la TDM et de l’IRM, elle est considérée comme l’outil diagnostique de référence pour évaluer le cartilage articulaire. En plus de servir au diagnostic, l’arthroscopie peut aussi être utilisée pour le traitement. De bons résultats ont, par exemple, été obtenus chez le chat après débridage arthroscopique de lésions d’ostéochondrite disséquante affectant le condyle fémoral [22] et ablation de néoformations osseuses dans l’articulation du coude [23]. Même si cette technique est par définition plus invasive que les techniques d’imagerie mentionnées auparavant, le développement d’appareils munis d’aiguilles de faible diamètre pouvant être utilisés en pratique ambulatoire sous sédation pourrait favoriser le développement de cette modalité d’imagerie. En permettant de mieux visualiser le cartilage articulaire, l’arthroscopie pourrait faciliter le diagnostic plus précoce de l’arthrose féline dans l’avenir.
Perspectives
Le diagnostic précoce de l’arthrose féline pourrait aussi se baser sur des tests sensoriels quantitatifs, l’accélérométrie, l’utilisation de plaques de force, le dosage des cytokines sériques et l’expression différentielle des gènes [24],[25],[26],[27]. À l’heure actuelle, ces tests présentent un intérêt clinique limité pour diagnostiquer l’arthrose ; si des différences apparaissent entre les chats sains et les chats présentant des douleurs d’origine arthrosique, les valeurs seuils de ces tests font défaut et ils sont difficilement disponibles. La poursuite des recherches dans ces domaines pourrait pourtant montrer l’intérêt potentiel de ces techniques, à la fois pour le diagnostic et pour le suivi de l’efficacité du traitement.
Conclusion
Il est impératif que les cliniciens aient conscience de deux principes fondamentaux. Premièrement, lorsque l’arthrose est diagnostiquée précocement chez un chat, un traitement approprié peut être administré plus tôt. Deuxièmement, la radiographie n’est pas la seule option pour le diagnostic de l’arthrose féline ; d’autres options proposent une sensibilité diagnostique supérieure. Grâce à la disponibilité croissante de techniques d’imagerie telles que la TDM, l’IRM et l’arthroscopie, il sera bientôt possible d’améliorer la détection précoce des lésions d’arthrose. Enfin, l’utilisation de questionnaires et de la goniométrie devrait être encouragée pour faciliter le diagnostic.
Lauren M. Meneghetti
DMV, Université d’État du Michigan, East Lansing, MI, États-Unis
États-Unis
La Dre Meneghetti a obtenu son doctorat de médecine vétérinaire à la Cummings School of Veterinary Medicine de l’Université Tufts en 2020. Elle a ensuite effectué un résidanat pour animaux de compagnie en 2021, et un autre pour se spécialiser en chirurgie en 2022. Elle est actuellement interne en chirurgie des animaux de compagnie à l’Université d’État du Michigan.
Karen L. Perry
BVM&S, CertSAS, Dip. ECVS, MSc Vet Ed, FHEA, MRCVS, Université d’État du Michigan, East Lansing, MI, États-Unis
États-Unis
La Dre Perry a effectué un résidanat en chirurgie des animaux de compagnie à la Royal (Dick) School of Veterinary Studies à Édimbourg en 2010. Après être devenue membre du collège ECVS en 2011, elle a rejoint le Royal Veterinary College (RVC) de Londres, en tant que chargée de cours en orthopédie. Quatre ans plus tard, elle a rejoint l’Université d’État du Michigan, où elle est actuellement titulaire de la chaire Pat Carrigan de médecine féline, professeure agrégée d’orthopédie et cheffe du département de chirurgie des animaux de compagnie. La Dre Perry a publié de nombreux articles vétérinaires, ses principaux domaines de recherche étant l’orthopédie féline, la traumatologie et la luxation de la rotule.
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