Perturbation du microbiote intestinal chez le chien
Ecrit par Jan Suchodolski
Il est de mieux en mieux admis qu’un microbiome intestinal dysfonctionnel peut entraîner de nombreux troubles gastro-intestinaux. Cet article traite du diagnostic et des options thérapeutiques pour les cas de dysbiose.
Points clés
Le microbiome intestinal est un organe métabolique qui a un impact majeur sur la santé de l’hôte.
La dysbiose est un marqueur précoce d’un environnement intestinal anormal et traiter la maladie sous-jacente est indispensable pour que sa résolution soit durable.
En première intention, l’approche nutritionnelle doit être privilégiée pour prendre en charge la dysbiose associée aux entéropathies chroniques car elle est souvent cliniquement efficace et présente des effets secondaires minimes.
La transplantation de microbiote fécal (TMF) pourrait permettre de traiter la dysbiose mais son utilisation chez le chien est encore au stade des essais cliniques.
Introduction
Le microbiome intestinal est le nom donné au génome collectif de tous les micro-organismes (les bactéries, les virus, les champignons et les protozoaires) du tractus gastro-intestinal (GI), les bactéries étant le constituant le plus abondant. Le microbiome peut être considéré à la fois comme un composant du système immunitaire et comme une entité métabolique, car les bactéries produisent des métabolites qui affectent le GI mais aussi d’autres organes. La dysbiose est le nom donné aux changements pathologiques pouvant affecter le microbiome ; elle inclut la réduction de la diversité du microbiome (soit le nombre d’espèces bactériennes), l’évolution de la biomasse bactérienne et des changements fonctionnels (tels qu’une altération de la production de métabolites bactériens). La dysbiose est souvent secondaire à des maladies intestinales sous-jacentes et contribue aux signes cliniques chez certains patients [1] ; elle représente donc un marqueur supplémentaire des maladies intestinales et doit être évaluée en même temps que les antécédents généraux et le tableau clinique du patient. Le traitement de la dysbiose visera à traiter la maladie sous-jacente, et l’approche nutritionnelle constituera le traitement de première intention.
Fonction du microbiome
Les bactéries produisent des métabolites, soit directement (vitamines), soit en transformant des nutriments issus de l’alimentation (fibres, protéines, graisses) ou produits par l’hôte (acides biliaires). Le microbiote exerce donc de nombreux effets bénéfiques pour l’hôte. Parmi les métabolites importants, il y a les acides gras à chaîne courte (AGCC), les indoles et les acides biliaires (AB) secondaires. Ils exercent des effets variés, notamment anti-inflammatoire, régulateur de la motilité intestinale, inhibiteur de certains entéropathogènes, soutien fonctionnel de la barrière intestinale et stimulateur de la production de mucine [2]. La dysbiose, qui est souvent secondaire à divers facteurs luminaux (Encadré 1), entraîne une altération du fonctionnement du microbiote qui contribue ensuite à l’apparition de signes cliniques [1]. Les AB intestinaux présentent un intérêt particulier pour la régulation du microbiote. En bref, les AB primaires (acides cholique et chénodésoxycholique) sont libérés dans l’intestin grêle après un repas pour faciliter la digestion des graisses. Jusqu’à 95 % des AB sont réabsorbés dans l’iléon pour la circulation entéro-hépatique [3], le reste atteignant le côlon où ils sont convertis par des bactéries (principalement Clostridium hiranonis chez le chien et le chat) en AB secondaires [4]. Cette conversion a des conséquences importantes pour la santé car les AB secondaires en quantité correcte ont des effets bénéfiques. Ils agissent comme des signaux agonistes pour divers récepteurs dans plusieurs organes, induisant des effets anti-inflammatoire et hypoglycémiant, ainsi que la suppression des entéropathogènes [5].
Encadré 1. Conditions et facteurs associés à la dysbiose intestinale.
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Évaluation du microbiome
Il existe plusieurs façons d’évaluer le microbiome du chien mais certaines sont plus efficaces que d’autres.
Culture bactérienne
Bien qu’elle soit encore utilisée par de nombreux vétérinaires pour diagnostiquer une dysbiose, la culture bactérienne des fèces ne permet pas d’évaluer le microbiome car la majorité des bactéries intestinales sont des anaérobies strictes qui nécessitent des milieux spéciaux (Figure 1).
Par conséquent, seul un petit pourcentage d’espèces bactériennes peut être cultivé par les laboratoires de diagnostic. Dans une étude récente, plusieurs prélèvements fécaux provenant de chiens sains et de chiens souffrant de diarrhée chronique ont été soumis à trois laboratoires vétérinaires de référence pour évaluer la dysbiose [6]. Les résultats des cultures étaient discordants entre les laboratoires et la dysbiose était en fait plus fréquemment signalée chez les chiens sains. Cette étude démontre que la culture bactérienne ne devrait pas être utilisée pour évaluer le microbiote chez les chiens souffrant de diarrhée chronique, sauf pour des pathogènes spécifiques tels que Salmonella spp.
Séquençage moléculaire des gènes de l’ARNr 16S
Les techniques moléculaires basées sur le séquençage des gènes de l’ARNr 16S fournissent des informations complètes sur la composition microbienne d’un échantillon fécal et sont utilisées en recherche. Diverses sociétés commerciales proposent le séquençage pour évaluer le microbiome d’un individu mais ces laboratoires n’utilisent pas de méthode standardisée (par exemple pour extraire l’ADN ou pour le choix de l’amorce PCR). Comme aucun intervalle de référence n’est défini pour les animaux et que chaque laboratoire utilise ses propres critères, l’interprétation des résultats est difficile. En outre, la variabilité inter-essais est courante et aucune donnée de validation analytique n’a été rapportée pour ces essais. L’évaluation du microbiome basée sur le séquençage n’est donc pas actuellement recommandée pour les patients individuels.
Indice de dysbiose du microbiote canin (ID)
L’indice de dysbiose (ID) est un test PCR quantitatif qui est actuellement commercialisé en Amérique du Nord et en Europe. Il est maintenant utilisé dans de nombreuses études cliniques [4],[7] car il s’agit du seul test validé pour évaluer la dysbiose du microbiome canin *. L’ID mesure les niveaux de sept bactéries intestinales (Encadré 2) qui sont fréquemment altérées chez les chiens atteints d’entéropathies chroniques (EC) ou ayant reçu des antibiotiques à large spectre (par exemple, tylosine, métronidazole) [8],[9]. Le test fournit des intervalles de référence pour ces groupes bactériens et combine les données en une seule valeur qui exprime l’étendue de la dysbiose (Figure 2) : un ID entre 0 et 2 traduit une modification modérée du microbiote tandis qu’un ID > 2 indique une modification majeure. La sensibilité et la spécificité de la méthode sont présentées dans l’Encadré 3.
* https://tx.ag/DysbiosisGI
Encadré 2. Les sept groupes bactériens inclus dans l’indice de dysbiose canin : évolution de leur niveau lors de dysbiose.
Groupe bactérien | Évolution lors de dysbiose |
---|---|
Faecalibacterium spp. | ↓ |
Turicibacter spp. | ↓ |
Blautia spp. | ↓ |
Fusobacterium spp. | ↓ |
C. hiranonis | ↓ |
Streptococcus spp. | ↑ |
E. coli | ↑ |
Encadré 3. Sensibilité et spécificité de l’indice de dysbiose (ID) lors d’entéropathie chronique ; un ID entre 0 et 2 traduit une modification mineure du microbiote alors qu’au-dessus de 2, le changement est majeur.
Indice de dysbiose | Sensibilité | IC (95 %) | Spécificité | IC (95 %) |
---|---|---|---|---|
-1 | 0,82 | 0,73-0,88 | 0,91 | 0,84-0,96 |
0 | 0,74 | 0,65-0,82 | 0,95 | 0,89-0,98 |
2 | 0,63 | 0,53-0,72 | 1 | 0,96-1,00 |
En évaluant la concentration de C. hiranonis, l’ID prédit également la capacité du microbiote intestinal à convertir les AB primaires en AB secondaires [4]. Des quantités normales d’AB secondaires ont un effet antimicrobien et éliminent les entéropathogènes potentiels tels que C. difficile, C. perfringens et E. coli [10]. De sorte que des niveaux réduits de C. hiranonis et une diminution de la conversion des AB sont fortement corrélés à une dysbiose intestinale et à une croissance excessive des entéropathogènes chez le chien (Figure 2) [4],[7],[8],[11]. L’identification de certains ou de tous ces entéropathogènes chez un chien souffrant de diarrhée suggère une prolifération excessive due à une dysbiose sous-jacente, secondaire à une EC plutôt qu’à une infection primaire. Jusqu’à 60 % des chiens atteints d’EC présentent des taux réduits de C. hiranonis et donc une baisse des AB secondaires [12].
Le microbiome lors de maladies
Le Tableau 1 résume les différentes façons dont les bactéries intestinales peuvent contribuer à la maladie, même si les maladies sous-jacentes varient d’un patient à l’autre, en fonction de la localisation et de la gravité des lésions intestinales. Le microbiote est en contact avec la muqueuse intestinale, le système immunitaire et les substrats luminaux, et les modifications d’un ou plusieurs de ces éléments affectent la composition du microbiote. La dysbiose est donc souvent un marqueur précoce d’une anomalie de l’environnement intestinal dans la maladie (Figure 3).
Tableau 1. Mécanismes par lesquels les bactéries contribuent aux troubles gastro-intestinaux.
Principaux types de dysbiose | Conséquences possibles |
---|---|
Présence de substrats anormaux (par exemple : nutriments non digérés, médicaments) dans la lumière intestinale | Augmentation des métabolites bactériens responsables de diarrhée |
Perte de la fonction microbienne due à la diminution des bactéries commensales (par exemple : C. hiranonis) |
Faible conversion des acides biliaires primaires en secondaires, entraînant une prolifération des entéropathogènes
Déficit de métabolites anti-inflammatoires |
Augmentation de la charge bactérienne totale dans l’intestin grêle |
Augmentation des métabolites bactériens, provoquant une diarrhée
Stimulation de la réponse inflammatoire spontanée |
Augmentation des bactéries adhérentes à la muqueuse | Stimulation de la réponse inflammatoire spontanée |
Une dysbiose essentiellement limitée à la lumière intestinale est souvent présente chez les patients atteints d’insuffisance pancréatique exocrine (IPE) [13], après un traitement antibiotique à large spectre [8],[9], ou chez les jeunes animaux en raison de leur immaturité immunitaire. Une EC s’accompagne d’une inflammation et d’une destruction du mucus et de la structure de la muqueuse, ce qui entraîne une oxygénation accrue de la surface de la muqueuse, une augmentation du nombre de bactéries aérobies (E. coli) et une diminution de la flore anaérobie normale. La perte de l’architecture muqueuse qui se développe avec l’EC produit un déficit de transporteurs pour les glucides, les acides aminés, les acides gras et les acides biliaires, ce qui entraîne une malabsorption de ces composés [14]. Des quantités accrues de ces substrats dans la lumière du TD peuvent directement induire une diarrhée osmotique ou sécrétoire, ainsi qu’une prolifération bactérienne.
En raison de l’altération de la couche de mucus recouvrant l’épithélium, les chiens atteints d’EC présentent souvent un nombre accru de bactéries adhérant à la muqueuse [15]. Ceci est lié à une présence faible de C. hiranonis et donc à une conversion anormale des AB, permettant une prolifération secondaire de C. difficile et C. perfringens, pouvant conduire à une augmentation des réponses pro-inflammatoires de l’hôte.
L’approche nutritionnelle est à privilégier en première intention pour prendre en charge les maladies intestinales car elle n’a pas d’impact négatif sur le microbiote intestinal.
Approche diagnostique de la dysbiose
La dysbiose se développe généralement suite à une modification du milieu intestinal due à une maladie intestinale ou à des facteurs environnementaux altérés ; elle sera donc évaluée en même temps que l’historique thérapeutique du patient et le tableau clinique. L’interprétation du résultat de l’ID se fera parallèlement à celle des niveaux des différents taxons bactériens, en particulier de C. hiranonis, car une diminution de ce dernier contribue beaucoup à la dysbiose. Un ID supérieur à 2 indique une dysbiose avec une grande spécificité tandis qu’un résultat équivoque indique un changement mineur au sein du microbiome fécal. Certains chiens atteints d’EC peuvent avoir un ID < 0 mais certains taxons bactériens seront en dehors des intervalles de référence, ce qui représente une forme mineure de dysbiose. En général, un ID anormal suggère une maladie intestinale sous-jacente et une recherche d’EC est donc indiquée.
Notons que certains médicaments peuvent influencer l’ID. Par exemple, l’oméprazole peut entraîner une augmentation transitoire de C. hiranonis, en restant dans une fourchette normale, et l’ID se normalise une à deux semaines après la fin du traitement. Les antibiotiques à large spectre (tels que le métronidazole et la tylosine) peuvent induire une dysbiose fécale sévère (Figure 4) mais, là encore, le microbiote se normalise généralement dans les 2 à 4 semaines suivant la fin du traitement chez la plupart des chiens. Certains individus peuvent cependant présenter une dysbiose persistante avec absence de C. hiranonis pendant plusieurs mois [8],[11].
Les modifications de la composition du microbiote de l’intestin grêle entraînent souvent des changements détectables dans le microbiome fécal évalué par l’ID. Cependant, chez certains patients, une augmentation du nombre de bactéries dans l’intestin grêle peut provoquer une maladie. Une dysbiose de l’intestin grêle n’est évocatrice que si la concentration sérique de folate est augmentée et si la cobalamine sérique est diminuée lors du bilan gastro-intestinal, bien que ces deux marqueurs aient une sensibilité et une spécificité faibles.
Traitement d’une dysbiose
La dysbiose n’est souvent qu’une composante de la maladie intestinale et une thérapie multimodale s’attaquant à la cause sous-jacente est généralement nécessaire. Dans certains cas, comme chez les animaux atteints d’EPI, une supplémentation en enzymes pancréatiques entraîne une amélioration des signes cliniques, et souvent le microbiome intestinal se normalise après plusieurs semaines [13]. Chez les chiens atteints d’EC, il n’existe en revanche pas de marqueurs permettant de prédire quel est le meilleur traitement individuel ; des essais thérapeutiques successifs sont donc souvent nécessaires [16]. Le traitement de la dysbiose s’appuie sur des modifications alimentaires, les pré- et probiotiques, les antimicrobiens et la transplantation de microbiote fécal (TMF), chaque approche s’attaquant à un mécanisme différent (Tableau 2). Une association de traitements offre souvent le meilleur résultat.
Tableau 2. Options thérapeutiques lors de dysbiose.
Traitement | Mécanisme probable | Effets secondaires potentiels |
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Changement alimentaire |
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Prébiotiques/fibres |
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Probiotiques |
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Antibiotiques |
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Transplantation de microbiote fécal (TMF) |
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Un changement de régime alimentaire devrait toujours être la première option thérapeutique chez les patients stables. Plusieurs études ont montré qu’entre 50 et 70 % des chiens atteints d’EC répondent à ce changement alimentaire [16]. Ils seront pour la plupart orientés vers un aliment hautement digestible contenant des protéines nouvelles ou hydrolysées. La plupart de ces aliments sont hypoallergéniques et réduisent la quantité de nutriments non digérés dans la lumière intestinale, diminuant ainsi le potentiel de prolifération bactérienne. Dans la plupart des cas d’entéropathie liée à l’alimentation, le changement de régime suffit pour obtenir une rémission clinique ; il permet une réduction progressive de l’inflammation intestinale et de la dysbiose sur plusieurs mois [10],[17].
Les probiotiques peuvent être administrés seuls dans les cas bénins, ou conjointement au changement de régime alimentaire. Comme les bactéries administrées dans un probiotique sont numériquement faibles par rapport au microbiote intestinal existant, elles ont un impact direct mineur sur la composition du microbiote. Cependant, elles se fixent à la muqueuse et peuvent exercer des effets bénéfiques, notamment en raccourcissant la durée d’une diarrhée aiguë et en réduisant les effets digestifs secondaires associés aux antibiotiques, tels que les vomissements ou la diarrhée [18]. Il a été démontré que plusieurs souches de probiotiques très puissants réduisaient la présence de C. perfringens chez les chiens souffrant de diarrhée hémorragique aiguë [19] et renforçaient la barrière intestinale chez les chiens atteints d’EC [20]. Cependant, comme de nombreux produits commerciaux ne font pas l’objet d’un contrôle qualité approprié, il est important de choisir un produit dont l’efficacité a été démontrée dans une étude clinique publiée.
Les prébiotiques sont des glucides non digestibles qui favorisent la croissance des micro-organismes bénéfiques ; ils peuvent être classés comme des fibres solubles/insolubles et fermentescibles/non fermentescibles. Les prébiotiques fermentescibles sont transformés en AGCC par les bactéries du côlon. La plupart des aliments commerciaux à visée digestive contiennent des prébiotiques mais, pour certaines maladies (la colite par exemple), les régimes riches en fibres peuvent être bénéfiques. L’ajout de téguments de psyllium à l’alimentation, une source de fibres solubles, peut améliorer la qualité des selles chez les chiens atteints de maladies du gros intestin, à raison de 0,5 à 1 g/kg de poids corporel par jour. Une dose plus faible sera d’abord administrée, puis sera progressivement augmentée pour obtenir la consistance fécale souhaitée.
Les antibiotiques tels que la tylosine ou le métronidazole ont été traditionnellement recommandés pour traiter une EC mais leur utilisation en première intention est désormais débattue [16]. Bien qu’ils puissent entraîner une amélioration des signes cliniques, vraisemblablement en raison d’une réduction de la charge bactérienne, les patients rechutent souvent après le traitement car la prolifération bactérienne se reproduit, les antibiotiques résolvant rarement le processus pathologique sous-jacent [15],[21],[22]. Les traitements couramment utilisés comprennent le métronidazole (10-15 mg/kg q12h) et la tylosine (25 mg/kg q12h) pendant 4 à 6 semaines mais, comme indiqué ci-dessus, il a été démontré que ces deux médicaments induisent une dysbiose du gros intestin pouvant parfois durer des mois [8],[9],[11]. Des études rapportent que le métronidazole a entraîné une dysbiose durable chez des chiens atteints de diarrhée aiguë [11], tandis que l’amoxicilline-acide clavulanique peut favoriser l’augmentation des E. coli résistants [23]. Les antibiotiques ne sont généralement pas recommandés pour traiter une EC en première intention pour diverses raisons : seuls 10 à 16 % des chiens atteints d’EC répondent aux antibiotiques, la plupart des cas rechutent après l’arrêt du traitement et les médicaments ont des effets négatifs sur le microbiome. L’antibiothérapie doit cependant être envisagée après l’échec des traitements diététiques et anti-inflammatoires, ou pour les patients présentant des signes d’inflammation systémique [16] ou d’une infection bactérienne persistante de la muqueuse intestinale (par exemple, colite granulomateuse associée à E. coli). Un petit nombre de chiens atteints d’EC peut ne répondre à aucun autre traitement, auquel cas une administration à long terme deviendra nécessaire, en diminuant progressivement les doses jusqu’à trouver la dose efficace la plus basse.
La transplantation de microbiote fécal (TMF) peut aider à restaurer le microbiote normal et à améliorer les signes cliniques [11] dans certains cas de dysbiose. Cette technique consiste à transférer des selles d’un donneur sain dans l’intestin d’un receveur par le biais de capsules orales, d’une endoscopie ou d’un lavement (Figures 5 et 6). Chez l’Homme, le taux de réussite de la TMF est élevé (> 90 %) en cas d’infection récurrente à C. difficile mais son succès est plus limité pour les maladies inflammatoires de l’intestin, en raison de l’inflammation intestinale chronique sous-jacente.
La TMF est encore une thérapie émergente chez l’animal. Un protocole simple est présenté dans l’Encadré 4 mais, à ce jour, seules quelques séries de cas ont été rapportées, et le succès dépend apparemment de la maladie sous-jacente [24]. La technique permet de restaurer le métabolisme des AB en favorisant le développement de C. hiranonis (Figure 7) ; elle peut donc être utile chez les chiens présentant une conversion anormale des BA, associée à une prolifération d’entéropathogènes tels que C. difficile ou C. perfringens, ou chez les animaux présentant une dysbiose induite par les antibiotiques et des lésions sous-jacentes mineures de la muqueuse intestinale. Il a également été montré que la TMF améliore le score fécal en cas de diarrhée aiguë, lorsqu’elle accompagne un traitement antimicrobien standard chez les chiots atteints de parvovirose et chez les jeunes chiens souffrant de diarrhée chronique due à une infection confirmée à C. difficile [25].
Encadré 4. Protocole de TMF par lavement (d’après [24]).
Le donneur doit être en bonne santé, sans antécédents de maladie gastro-intestinale ni traitement antibiotique récent, et ne doit présenter aucun signe de maladie systémique. Les selles du donneur feront l’objet d’une recherche de parasites et d’entéropathogènes, et un ID sera réalisé (car certains chiens cliniquement sains manquent de C. hiranonis, nécessaire à la conversion correcte des AB). Conservation : les selles peuvent être fraîches ou conservées à 4° C jusqu’à une semaine dans un sac en plastique. Si les selles doivent être congelées pour un stockage plus long, elles seront mélangées avec du glycérol avant la congélation, pour préserver les bactéries (10 g de selles avec 35 mL de solution saline et 5 mL de glycérol, congelées en aliquots de 50 mL). |
Matériel nécessaire : soluté à 0,9 % de NaCl, cathéter en caoutchouc rouge 12 ou 14 FG, seringues de 60 mL à embout pour cathéter, mixeur, selles du donneur, lubrifiant non bactériostatique. |
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Chez les chiens atteints d’EC, la dysbiose est souvent un effet secondaire de l’inflammation intestinale et des dommages structurels ; la dysbiose et les signes cliniques réapparaîtront tant que la maladie sous-jacente ne sera pas éradiquée. Le taux de réussite de la TMF lors d’EC est donc très variable : des rapports anecdotiques suggèrent que, chez de nombreux chiens atteints d’EC, le score fécal sera amélioré dans les 2 à 3 jours suivant le traitement mais la rechute et le développement d’une diarrhée récurrente survient quelques semaines plus tard. Par conséquent, chez ces patients, un traitement diététique et anti-inflammatoire approprié de la maladie sous-jacente est nécessaire (voir ci-dessus) ; la TMF peut être considérée comme un traitement d’appoint pour les patients qui présentent une réponse sous-optimale (par exemple, des selles molles persistantes) malgré les thérapies standards.
Conclusion
TLe microbiome intestinal joue un rôle crucial dans la santé de l’hôte, et de nombreux animaux atteints d’une affection gastro-intestinale développent une dysbiose ; la fonction microbienne anormale peut alors contribuer aux signes cliniques. L’indice de dysbiose est un outil diagnostique utile dans de nombreux cas mais, comme il peut y avoir diverses causes sous-jacentes, une approche thérapeutique multimodale et souvent à long terme est nécessaire pour améliorer la composition du microbiote.
Précision
L’auteur travaille pour le Texas A&M Gastrointestinal Laboratory qui propose d’analyser le microbiome sur un plan commercial.
Jan Suchodolski
DVM, PhD, Dip. ACVM
États-Unis
Le Dr Jan Suchodolski est professeur associé en médecine des petits animaux, directeur associé de la recherche et responsable des sciences du microbiome au laboratoire gastro-intestinal de l'université Texas A&M. Il a obtenu son doctorat en médecine vétérinaire à l'université de Vienne, en Autriche, et son doctorat en microbiologie vétérinaire à l'université A&M du Texas. Il est certifié en immunologie par l'American College of Veterinary Microbiologists (ACVM). Ses recherches sont axées sur le développement de biomarqueurs pour les maladies gastro-intestinales et d'approches thérapeutiques pour la modulation du microbiote intestinal. Il est l'auteur ou le co-auteur de plus de 270 articles scientifiques publiés dans le domaine de la gastroentérologie vétérinaire et de la recherche sur le microbiome.
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