Vasculopathie cutanée et glomérulaire rénale chez le chien

Ecrit par Joshua Walker

La vasculopathie cutanée et glomérulaire rénale (VCGR) est une affection rare et potentiellement mortelle pour les chiens, mais dont l’origine est inconnue. Elle entraîne le développement d’une insuffisance rénale aiguë et un diagnostic rapide est donc essentiel.

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5 - 15 min
Image représentant le museau d’un chien, la gueule ouverte et la langue visible.

Points clés

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La vasculopathie cutanée et glomérulaire rénale (VCGR), également connue sous le nom de Alabama rot, est un exemple de microangiopathie thrombotique parfois observée chez le chien.

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La VCGR peut se présenter sous une forme exclusivement cutanée ou s’accompagner de signes d’insuffisance rénale aiguë (IRA).

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Le diagnostic ante mortem repose sur l’association de facteurs de risque avec présence d’une ou plusieurs lésions cutanées, ainsi que des signes d’IRA et une thrombocytopénie.

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Il est important de repérer rapidement les lésions rénales aiguës pour qu’un traitement soit entrepris aussitôt.

Introduction

La vasculopathie cutanée et glomérulaire rénale (VCGR) est une affection rare et potentiellement mortelle observée chez le chien. Elle a été découverte récemment, mais sa prévalence apparente a considérablement progressé au Royaume-Uni pendant les dix dernières années (1). La VCGR provoque des lésions ulcératives de la peau et des muqueuses, mais une insuffisance rénale aiguë (IRA) se développe également chez certains chiens (Figure 1) ; lorsque c’est le cas, le taux de mortalité peut atteindre 90 à 95 % (2). Bien que l’origine exacte de la VCGR fait encore l’objet de recherches, cet article propose une vue d’ensemble de cette affection, incluant le diagnostic et le traitement.

Image d’une lésion cutanée ulcérative chez un chien.
Figure 1. Exemple de lésion cutanée ulcérative observée lors de VCGR © Catherine Wake

Pourquoi ce nom ?

La VCGR est aussi connue sous le nom d’Alabama rot (ou « pourriture » de l’Alabama) parce que des cas sont apparus sur des lévriers greyhounds en Alabama (États-Unis) dans les années 1980 (3,4). Les chiens présentaient des lésions cutanées parfois associées au développement d’une IRA (3-5). L’histopathologie a alors mis en évidence des lésions de type microangiopathie thrombotique (MAT) (3-5). À cette époque, ce syndrome hémolytique et urémique (SHU), pouvant être associé à une MAT, a été attribué à une infection par un Escherichia coli entérotoxinogène car les chiens affectés avaient consommé du bœuf cru, mais cette hypothèse n’a pas été confirmée (4,5). Un cas similaire a ensuite été signalé chez un lévrier de compagnie au Royaume-Uni en 2000 (6) et chez un dogue allemand en Allemagne en 2002 (7). Des cas ont aussi été signalés en République d’Irlande (8) et en Écosse, mais il n’existe actuellement aucune preuve évidente de l’existence de la maladie sur le continent européen. On ne sait pas si la VCGR des premiers lévriers affectés avait la même origine que la VCGR britannique ou s’il s’agissait d’une forme différente de MAT.

Qu’est-ce qu’une microangiopathie thrombotique ?

La MAT est une lésion pathologique observée dans de nombreuses maladies ; elle se caractérise par des lésions endothéliales associées à une activation et une consommation des plaquettes. Elle entraîne une occlusion vasculaire, avec formation fréquente de thrombus microvasculaires intraluminaux (Figure 2). La thrombose provoque une ischémie puis des lésions de l’organe concerné (tels que les reins) (9). La VCGR est une maladie incluant une MAT, plutôt qu’une MAT spécifique de la VCGR. 

Représentation schématique d'un vaisseau sanguin illustrant le processus de microangiopathie thrombotique.
Figure 2. Diagramme détaillant le processus de la microangiopathie thrombotique : les lésions endothéliales entraînent une microthrombose et causent des lésions microangiopathiques sur les globules rouges. © Joshua Walker

La MAT s’accompagne souvent de signes cliniques d’anémie hémolytique microangiopathique (et des anomalies qui en résultent, telles que la schistocytose), de thrombocytopénie et de lésions ischémiques des organes atteints (9). Le rein est l’organe le plus fréquemment touché mais chez l’Homme, des lésions ont également été observées au niveau du système nerveux central, de l’appareil cardiovasculaire, de l’appareil respiratoire et du tube digestif (9). Il est intéressant de noter que chez l’Homme, les formes exclusivement rénales de MAT ne sont pas exceptionnelles (9). Diverses causes (notamment des anomalies protéiques, un dysfonctionnement du complément, des réactions médicamenteuses et des infections) sont documentées chez l’Homme et plusieurs d’entre elles s’expliquent par des anomalies génétiques (9) (Tableau 1). Les stratégies thérapeutiques sont spécifiques de la maladie initiale : comme faire une perfusion de plasma lors de purpura thrombocytopénique thrombotique (PTT) congénital ou inhiber le complément lors de MAT médiée par le complément (MAT-MC) à l’aide de l’éculizumab (9). Le coût de certains de ces traitements médicaux est prohibitif en médecine vétérinaire et certains n’ont pas été utilisés. (10).

 

Tableau 1. Principales causes de microangiopathie thrombotique (MAT) chez l’Homme (liste non exhaustive).

Maladie Cause
Purpura thrombocytopénique thrombotique
  • Congénitale : mutation ADMATS13
  • Immunitaire : auto-anticorps ADMATS13
Microangiopathie thrombotique médiée par le complément (MAT-MC) (syndrome hémolytique et urémique atypique)
  • Variants parmi les gènes associés au complément (exemple : CFH)
  • Dysrégulation du complément médiée par les anticorps
  • Variants parmi les gènes non associés au complément
MAT associée à une infection (syndrome hémolytique et urémique) Exemple : E. coli productrice de la toxine Shiga
Secondaire à une maladie systémique ou à une exposition
  • MAT associée à la gestation
  • Syndrome HELLP
  • MAT iatrogène, à médiation immunitaire ou non immunitaire 
  • MAT associée à une transplantation
  • MAT associée à une tumeur maligne
  • Diverses maladies auto-immunes
  • Urgence hypertensive
Abréviations. ADMATS13 : une désintégrine et une métalloprotéase avec une thrombospondine de type 1 membre 13; CFH : gène codant pour le facteur H de la protéine du complément ; HELLP : hémolyse, élévation des enzymes hépatiques et plaquettes basses ; MAT : microangiopathie thrombotique.

 

Jusqu’à présent, la VCGR n’est pas exactement comparable à la MAT humaine. Les lésions cutanées sont par exemple peu fréquentes chez l’Homme, bien qu’elles soient possibles lors de MAT-MC (11). Chez l’Homme, en cas de MAT-MC ou de PTT, la persistance de la maladie ou la récidive sont à craindre (12) alors que cela ne semble pas être le cas chez les chiens ayant survécu à une VCGR (qu’ils présentent uniquement des lésions cutanées ou une l’IRA). Un processus acquis qui ne semble pas réapparaître pourrait être associé à une maladie infectieuse ou à une intoxication, comme c’est par exemple le cas avec le SHU. En revanche, un SHU dû à des toxines bactériennes (telles que les E. coli producteurs de toxines Shiga (STEC)) est généralement associé à une diarrhée prodromique (13) et les lésions cutanées sont absentes : un SHU a pourtant rarement été observé chez des chiens ne présentant pas de lésions cutanées (14). 

Chez les chiens atteints de VCGR, la MAT semble principalement affecter les glomérules rénaux (1,2,4). Il faut se rappeler que les lésions cutanées ne sont pas à l’origine de l’IRA, mais découlent d’un même processus pathologique : la microangiopathie affecte le système vasculaire cutané, entraînant une ischémie et une ulcération. Chez certains chiens, une nécrose fibrinoïde apparaît dans les biopsies cutanées, mais celles-ci sont moins utiles au diagnostic que les biopsies rénales.

Quelle est l’incidence de la VCGR ?

Depuis 2012, 326 cas ont été recensés au Royaume-Uni : les chiens présentaient des lésions cutanées, une IRA, et l’histopathologie a mis en évidence une MAT rénale (15). D’autres cas suspects n’ont pas fait l’objet d’un examen histopathologique. Il existe également une population non-négligeable de chiens qui ont présenté des lésions cutanées « typiques » inexpliquées sans développer d’IRA. Enfin, il a été observé que des chiens vivant avec un congénère ayant présenté une MAT confirmée à l’histopathologie développent des lésions cutanées, mais sans exprimer de signes biochimiques d’IRA (1,2). 

La VCGR semble être une maladie saisonnière : 91 % des cas se déclarent entre novembre et mai, principalement en janvier-février (2). Des cas ont cependant été signalés tout au long de l’année. Il semble qu’ils apparaissent plus volontiers dans les zones boisées, lorsque les températures maximales moyennes s’élèvent en hiver, au printemps et en automne, lorsque les précipitations moyennes augmentent en hiver et au printemps, et lorsque les populations bovine et ovine sont faibles (16). Des conditions hivernales humides dans une zone boisée seraient donc plus propices à la maladie que la période estivale dans une zone de pâturage. Les régions comparables à l’Est Anglie semblent jusqu’à présent relativement épargnées (15). Ces observations montrent que l’environnement est susceptible de jouer un rôle dans l’apparition de la maladie, soit en fournissant des conditions favorables au développement d’une infection, soit en permettant l’exposition à une toxine. Les enquêtes effectuées sur la flore des lieux à risque n’ont pas permis d’identifier un coupable présumé. Bien que la prévention soit mal documentée, il semble plus prudent de conseiller de laver les membres des chiens après une promenades dans un milieu boueux pendant la saison à risque.

La VCGR semble se développer plus volontiers dans certaines races. Les chiens courants et les chiens d’arrêt présentent un risque plus élevé de VCGR que les terriers, tandis que les chiens nains ne figurent pas dans la liste des premiers cas signalés (17). Les races les plus affectées sont le flat-coated retriever, le Manchester terrier, le vizsla hongrois, le saluki et le whippet (17). Une réceptivité ou une prédisposition particulière au développement de la maladie pourrait donc exister dans certaines races. 

Comment se présente la VCGR ?

Dans une étude portant sur 178 cas confirmés histopathologiquement, une lésion cutanée ou buccale a été observée avant les signes d’IRA dans 98,9 % des cas (2). Les lésions se développent le plus souvent sur les membres (80,9 % au moment de la présentation ; 85,4 % au total) et 73,6 % des lésions des membres sont observées sur les coussinets, les pieds ou les doigts (Figure 3). Chez 17,6 % des chiens, plusieurs membres sont touchés au moment de la consultation, mais d’autres lésions peuvent se développer ensuite, affectant plusieurs membres (Figure 4). Des lésions se développent aussi dans la cavité buccale dans 8,4 % des cas (2) (Figure 5). En moyenne, les signes d’IRA apparaissent 3 jours après l’observation d’une lésion cutanée (de 4 jours avant à 45 jours après) et le délai est inférieur à 13 jours dans 97,6 % des cas (2). 

Image d’une personne portant des gants d’examen bleus, examinant la surface de la patte d'un chien.
Figure 3. Les lésions cutanées dans la VCGR affectent souvent les extrémités des membres, les pieds et les coussinets. © Joshua Walker

Des lésions cutanées diverses ont été décrites : pyodermite, pododermatite, tuméfaction, œdème, ecchymose, excoriation, plaie perforante ou ulcère (2). La forme classique serait une lésion cutanée épaisse sur un membre, bien délimitée, sans antécédents traumatiques.

Des signes systémiques de la maladie peuvent être observés avant l’apparition des lésions cutanées ; 65,5 % des chiens présentent des vomissements et 26,6 % de la diarrhée. Une boiterie a été notée dans 4,5 % des cas, avant l’apparition des lésions cutanées. Des signes neurologiques ont été observés dans 18,6 % des cas, notamment des crises d’épilepsie, une ataxie, une anisocorie, un nystagmus horizontal et des anomalies de la proprioception. Une publication mentionne deux chiens dont le premier motif de consultation était des crises d’épilepsie (1,1 %) (2). L’IRA peut entraîner des signes neurologiques (par exemple en cas d’encéphalopathie urémique), mais l’histopathologie a aussi mis en évidence des lésions cérébrales de MAT (18). 

Image du membre postérieur gauche d’un chien à poil noir.
Figure 4. Les chiens atteints de VCGR peuvent présenter des lésions multiples au moment de la présentation ou développer d’autres lésions cutanées au cours de l’évolution de la maladie. © Joshua Walker
Image représentant le museau d’un chien, la gueule ouverte et la langue visible.
Figure 5. Un chien atteint présente des lésions buccales sur la langue, les gencives et les jonctions cutanéo-muqueuses. © Joshua Walker

Quelles analyses sont-elles intéressantes ?

L’apparition d’une IRA est le principal motif de consultation. Bien qu’elle puisse être définie de plusieurs façons, elle se traduit en général par un taux de créatinine >140 µmol/l ou une augmentation de la créatinine de 26,5 µmol/l en 48 heures sur le même analyseur (19). La thrombocytopénie est fréquente (83,9 % ; médiane : 49 x 109/l) et l’hyperbilirubinémie est présente dans la moitié des cas (51,9 %). Une anémie non/pré-régénérative peut également être observée et l’hémogramme montre des hématies fragmentées dans 34,5 % des cas (2). Le ratio protéine/créatinine urinaire (RPCU) est souvent anormalement élevé (médiane : 2,93), mais il augmente rarement avant que l’IRA ne se développe (2) ; lorsqu’une glucosurie est observée (29,6 %), elle indique une atteinte tubulaire (2). 

Comment surveiller un chien présentant une lésion cutanée ?

De multiples causes peuvent être à l’origine de lésions cutanées, mais il est peu fréquent qu’elles soient associées à des signes d’IRA, ce qui limite les hypothèses pour le diagnostic différentiel. Si toutes les causes classiques d’IRA doivent être envisagées, il est peu probable qu’elles puissent expliquer les lésions cutanées érosives ou ulcératives. L’Encadré 1 liste l’ensemble des hypothèses à explorer. 

 

Encadré 1. Diagnostic différentiel lors de lésions cutanées associée à une insuffisance rénale aiguë (IRA).

  • Vasculopathie cutanée et glomérulaire rénale.
  • Autre cause de microangiopathie thrombotique ; syndrome hémolytique et urémique (ne provoque pas de lésions cutanées).
  • Tumeur cutanée (exemple : lymphome épithéliotrope) avec atteinte rénale.
  • Tumeur avec atteinte rénale et affection cutanée paranéoplasique (exemple : vasculite).
  • Maladie auto-immune ; exemple : lupus érythémateux disséminé (dermatopathie + glomérulonéphrite) ou vasculite.
  • Infection : leishmaniose (lésions cutanées et glomérulonéphrite à complexe immun), leptospirose (associée à une vasculite), autre cause infectieuse de vasculite (exemple : Ehrlichia spp.).
  • Maladie cutanée primaire et IRA due à une autre cause (exemple : néphrotoxicose due au méloxicam) ou IRA prérénale répondant à la réhydratation. Faire le diagnostic différentiel pour les maladies cutanées ulcératives (exemples : complexe pemphigus, nécrolyse épidermique toxique, syndrome du choc toxique/fasciite nécrosante, dermatomyosite).
  • Lésion rénale aiguë primaire avec lésion cutanée accidentelle.
  • Une envenimation par morsure de serpent peut provoquer des lésions cutanées et une IRA.

 

Lorsqu’une lésion cutanée suspecte est identifiée, il est important d’évaluer les facteurs de risque vis-à-vis de la VCGR pour éventuellement inclure cette hypothèse lors du diagnostic et, le cas échéant, adapter la surveillance clinique (Figure 6). En général, une période de surveillance allant jusqu’à 13 jours est généralement suffisante (2), en adaptant la nature et la fréquence des contrôles au niveau d’inquiétude. Dans tous les cas, il est prudent de surveiller la numération-formule (NF) et les paramètres biochimiques de base, notamment le taux de plaquettes, la bilirubine totale et la créatinine. Une bandelette urinaire ou la mesure du RPCU pourront aussi aider à repérer des signes de lésions tubulaires ou une protéinurie inattendue. À ce stade, il convient d’éviter les médicaments néphrotoxiques et d’administrer un traitement symptomatique avec du paracétamol pour l’analgésie, ou une antibiothérapie si la plaie montre des signes d’infection (écoulement purulent ou présence de bactéries à la cytologie).

Schéma montrant les lésions cutanées accompagnées ou non d’une insuffisance rénale aiguë au centre.
Figure 6. Ce diagramme rassemble l’ensemble des éléments qui semblent constituer des facteurs de risque pour la VCGR. Plus le nombre de facteurs présents est élevé, plus le diagnostic de VCGR est probable mais l’association de lésions cutanées et d’une IRA est à considérer en priorité. © Joshua Walker

Le suivi implique ensuite de surveiller au moins l’évolution de la créatinine (sur le même analyseur) ; idéalement, une numération plaquettaire sera aussi réalisée toutes les 24-48 heures, à partir d’un frottis manuel, pour détecter rapidement l’IRA. Il convient également d’évaluer subjectivement la miction puisqu’une oligurie peut être un signe d’IRA. La Figure 7 présente deux exemples de scénario. 

 

Figure 7. Deux exemples de la manière dont les cas suspects peuvent être surveillés, en fonction du niveau de risque de VCGR.

CASE 1 

Une femelle stérilisée Jack Russell terrier de 3 ans est présentée au mois d’août pour une plaie interdigitale suintante et une boiterie. Aucun autre signe clinique n’est observé. Le propriétaire s’inquiète beaucoup à propos de la VCGR, mais sa situation financière est délicate.

Exemple de suivi :

  • Une NF et des analyses biochimiques de base sont réalisées (pas d’azotémie, NF normale).
  • Le risque de VCGR est jugé faible (Figure 6).
  • Puisque la lésion n’est pas ulcérative et que le facteur saisonnier est absent, un traitement symptomatique est conseillé, en évitant éventuellement les AINS.
  • Si cela est possible financièrement, doser la créatinine toutes les 48 heures pendant 12 jours ou, si le budget ne le permet pas, le faire seulement si le chien devient léthargique ou présente des signes généraux.
CASE 2 

Une femelle Labrador stérilisée de 2 ans est présentée en décembre avec une lésion discrète et ulcérée sur le tarse droit ; elle jugée léthargique par rapport à d’habitude. 

Exemple de suivi :

  • Une NF et des analyses biochimiques de base sont réalisées (pas d’azotémie mais une légère baisse des plaquettes à 100 x 109/l).
  • Le risque de VCGR est jugé élevé (Figure 6).
  • Une numération plaquettaire et un dosage de créatinine toutes les 24 heures sont indiqués pendant 12 jours.
  • Éviter les AINS.
  • Faire une analyse d’urine et calculer le RPCU.
  • Surveiller l’évolution des signes systémiques ainsi que la miction.

 

Si aucune azotémie n’apparaît dans les 13 jours, mais que les lésions cutanées ne cicatrisent pas (en particulier en cas de lésions multifocales), d’autres hypothèses seront explorées (Encadré 1) grâce à la réalisation de biopsies ou de cultures. Lorsque le niveau de risque de VCGR est faible, ces examens pourront même être réalisés plus tôt, en particulier en cas de lésions sévères et en l’absence d’anomalies hématologiques. Une présentation initiale « atypique » n’exclut pas l’hypothèse d’une VCGR uniquement cutanée, ni le risque d’apparition ultérieure d’une IRA.

Comment traiter une VCGR ?

Lorsque l’IRA est présente, il faut appliquer un traitement standard visant à restaurer un bon état d’hydratation, maintenir une diurèse suffisante, prendre en charge l’urémie ainsi que les autres complications de l’IRA, telle que l’hypertension (éviter les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine). Les chiens ont souvent besoin d’être nourris grâce à une sonde d’alimentation (une sonde naso-œsophagienne par exemple) et la mise en place d’un cathéter urinaire peut aider à contrôler l’équilibre hydrique et prévenir la surhydratation (en surveillant les apports et l’élimination) (19). 

Avant le développement des signes d’IRA, il n’existe aucun traitement spécifique connu pour prévenir l’apparition d’un dysfonctionnement rénal, mais il est judicieux de traiter de manière symptomatique, en luttant par exemple contre la déshydratation et en utilisant au besoin des antiémétiques. Il peut aussi être nécessaire de traiter les plaies et de contrôler la douleur (Figure 8). Les médicaments potentiellement néphrotoxiques tels que les AINS seront évités. Une antibiothérapie topique ou systémique se justifie si les lésions sont secondairement infectées.

Image d’un membre présentant une lésion cutanée ulcérative grave qui couvre la majeure partie de la surface visible, y compris une nécrose marquée.
Figure 8. Une bonne prise en charge de la plaie est nécessaire (incluant un pansement, une analgésie et éventuellement une antibiothérapie) quand la lésion cutanée est aussi étendue que celle-ci, avec une nécrose cutanée marquée. © Joshua Walker

Aucun médicament spécifique n’est actuellement recommandé contre la VCGR. La pentoxifylline a été utilisée lors de vasculite canine et de dermatopathie ischémique (20) ; son intérêt lors de MAT n’est pas prouvé malgré ses nombreux effets, notamment anti-inflammatoires et hémorhéologiques : elle fait baisser la viscosité du sang dans les petits espaces vasculaires (20). La corticothérapie a également été envisagée, à la dose de 1 à 2 mg/kg/jour. L’immunosuppression est bénéfique chez les humains présentant une MAT acquise associée (12) à un PTT, une transplantation ou un trouble auto-immun. Il existe une faible probabilité que la modulation immunitaire puisse être intéressante, sauf si une composante immunitaire joue un rôle dans la pathogenèse de la VCGR (exemple : développement d’auto-anticorps contre les protéines du complément), mais les preuves manquent encore.

Chez l’Homme, les antioxydants tels que la N-acétylcystéine peuvent réduire l’incidence de la MAT associée à une transplantation. Bien qu’aucune preuve d’efficacité ne soit disponible, la S-adénosylméthionine (SAMe) pourrait par exemple être administrée de manière relativement sûre aux chiens présentant une VCGR (21). L’intérêt d’un autre antioxydant, la vitamine E, a été noté lors de dermatopathie ischémique (20). Un traitement antithrombotique a été proposé pour réduire la consommation des plaquettes, mais il fait débat à cause de la fréquence élevée de thrombocytopénie lors de VCGR, qui peut être progressive. La thromboprophylaxie n’est pas couramment pratiquée lors de MAT humaine, sauf dans le cas d’un PTT où de l’héparine de faible poids moléculaire peut être administrée (quand le nombre de plaquettes est >50 x 109/l) pour limiter le risque de thrombo-embolie. Ce traitement serait donc plus indiqué pendant la convalescence qu’en prévention de la maladie. L’intérêt d’un traitement antiplaquettaire n’est pas confirmé pour cette indication (12) et le clopidogrel a même été associé à une MAT d’origine iatrogène (22). 

L’utilisation des échanges plasmatiques thérapeutiques (EPT) a été décrite chez 6 chiens atteints de VCGR, dont 2 ont survécu (23). Ce traitement pourrait donc être bénéfique à la survie, mais il est en cours d’évaluation à plus grande échelle pour voir si l’effet persiste. L’EPT reste controversé car il n’est indiqué que dans certaines maladies humaines (9) et il faut se demander quoi en attendre. L’apport d’ADMATS13 fonctionnel, l’élimination des auto-anticorps contre les protéines du complément ou l’élimination d’une toxine bactérienne sont des bénéficies hypothétiques. L’EPT peut également aider à contrôler temporairement certains des effets de l’urémie. Puisqu’il existe des éléments en faveur d’un effet positif sur la survie, l’auteur recommande d’envisager ce traitement s’il est abordable financièrement et technologiquement. 

Le pronostic des chiens qui développent une VCGR avec IRA semble malheureusement très réservé ; même si c’est souvent le cas lors d’IRA, quelle que soit la cause (19), le taux de mortalité est élevé (2). Chez les chiens hospitalisés qui développent une IRA sévère (sans préjuger de l’origine), le taux de mortalité est de 41 à 66 % (24) ; lors de VCGR, il atteint globalement 90 à 95 % (en estimant de manière approximative le nombre de chiens qui survivent à la VCGR) (2). Le taux de mortalité peut être moins élevé chez les chiens bénéficiant de l’EPT (21). Malgré ce mauvais pronostic, un chien peut survivre si l’IRA est bien traitée. Le pronostic est généralement bon lorsque seules des lésions cutanées sont présentes.

Lorsqu’une lésion cutanée est identifiée, il est important d’évaluer les facteurs de risque vis-à-vis de la VCGR pour éventuellement inclure cette hypothèse lors du diagnostic et, le cas échéant, adapter la surveillance clinique.

Joshua Walker

Est-ce que la VCGR est contagieuse ? 

Comme une toxine bactérienne pourrait jouer un rôle dans la pathogenèse de la maladie, la question de la contagion est légitime. Le diagnostic différentiel de la VCGR doit d’ailleurs inclure la leptospirose, une infection contagieuse et zoonotique. Aucune infection virale n’a été identifiée. Il n’existe pas non plus de preuves évidentes de contagion. Dans une étude, 42 chiens présentant une VCGR ont été signalés comme ayant été en contact avec au moins un autre chien, soit un total de 60 chiens « contacts » (2) ; 13 d’entre eux présentaient uniquement des lésions cutanées et une IRA a été suspectée chez 4 chiens. Deux des chiens « contacts » étaient de la même fratrie qu’un chien diagnostiqué avec une VCGR ; l’un présentait une lésion cutanée et l’autre une diarrhée mais pas de lésion. Il semble donc que des chiens sains puissent entrer en contact étroit avec des chiens atteints sans développer de signes de maladie ; les commémoratifs évoquent plutôt une exposition commune à un environnement similaire (comme lorsque plusieurs chiens sont promenés ensemble). Il semble cependant prudent de respecter les précautions habituelles en matière de biosécurité. L’auteur applique souvent les protocoles habituels de lutte contre la leptospirose (isolement, port d’équipement de protection individuelle [EPI]) jusqu’à ce que cette hypothèse soit considérée comme improbable. Des précautions plus légères (comme le port de gants) seront alors prises, à adapter selon les cas.

Conclusion

Les recherches continuent à propos de la VCGR, notamment pour tenter d’identifier un organisme causal susceptible de provoquer un syndrome hémolytique et urémique, avec présence d’une toxine bactérienne à l’origine d’une MAT. Cette hypothèse n’ouvre malheureusement pas la porte à d’autres options thérapeutiques, puisqu’une antibiothérapie a souvent été administrée à des chiens morts de VCGR ; l’issue fatale serait plus due à la combinaison des processus toxique et de celui de la MAT plutôt qu’à la bactérie elle-même. L’absence de réponse à l’antibiothérapie pourrait également s’expliquer par une forte antibiorésistance de l’organisme en cause. Si cette maladie est mieux reconnue et que la prise en charge de l’IRA est réalisée de manière précoce et efficace, on peut cependant espérer que d’autres chiens survivants seront identifiés. L’intérêt de l’EPT continue d’être évalué et ce traitement est à envisager très sérieusement, en particulier au début de l’évolution de la maladie.

Références

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Joshua Walker

Joshua Walker

MA, VetMB, Dip. ACVIM (SAIM), MRCVS, Spécialistes vétérinaires Anderson Moores, Winchester, Royaume-Uni

Diplômé de l’Université de Cambridge depuis 2014, le Dr Walker a d’abord travaillé dans une clinique généraliste mixte avant d’effectuer un internat d’un an dans un hôpital vétérinaire de cas référés au Royaume-Uni. Il a ensuite rejoint les spécialistes vétérinaires Anderson Moores pour devenir résident en médecine interne et il est diplômé de l’ACVIM depuis 2021. Il est reconnu comme spécialiste de médecine interne pour animaux de compagnie au Royaume-Uni et aux États-Unis. Le Dr Walker s’intéresse beaucoup à la maladie connue sous le nom d’Alabama Rot et il a à cœur de sensibiliser le grand public à cette affection.

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