Démodécie canine et isoxazolines
Ecrit par Vincent E. Defalque
Depuis quelques années, de très nombreuses nouvelles molécules ont été proposées pour lutter contre les parasites externes du chien ; Vincent Defalque évoque ici l’utilisation de nouveaux médicaments très prometteurs, les isoxazolines, pour traiter la démodécie canine.
Article
Points clés
Isoxazolines have shown impressive results in controlling canine demodicosis over the last few years and are likely to be the mainstay therapy for many years to come.
Les capacités digestives des chats âgés sont souvent réduites, ce qui peut affecter leur note d’état corporel et de condition musculaire.
Introduction
Une nouvelle classe d’antiparasitaires externes, les isoxazolines, a été mise sur le marché au Canada en 2014. Initialement, les comprimés d’afoxolaner et de fluralaner étaient seulement autorisés pour lutter contre les puces et les tiques chez le chien mais des rapports anecdotiques ont rapidement suggéré que ces nouveaux médicaments étaient également efficaces contre d’autres ectoparasites. Les preuves scientifiques d’une quelconque efficacité avérée des isoxazolines (utilisées hors AMM) contre d’autres affections parasitaires canines, telles que la démodécie, ont mis du temps à émerger mais cela est en train de changer. Cet article passe brièvement en revue cette nouvelle classe de médicaments et son efficacité contre les acariens de type Demodex.
La démodécie est due à la prolifération de l’acarien Demodex spp. Elle constitue une maladie canine fréquente en clientèle à travers le monde, avec une variété d’options diagnostiques et thérapeutiques. Des informations actualisées concernant la physiopathologie, le diagnostic et le traitement des affections dermatologiques les plus fréquentes sont proposées par la WAVD*, qui a publié un consensus et des recommandations cliniques [1]. Jusqu’à récemment, l’ivermectine était une molécule incontournable pour de nombreux praticiens confrontés à la démodécie mais elle est loin d’être idéale pour un traitement de première intention.
* https://wavd.org/continuing-education/consensus-guidelines
Les isoxazolines : une nouvelle classe de médicaments
Cette nouvelle classe d’antiparasitaires externes comporte aujourd’hui plusieurs molécules, dont l’afoxolaner, le fluralaner, le lotilaner et le sarolaner [2]. Leur nouveau mode d’action consiste à bloquer spécifiquement les canaux chlorures ligand-dépendants chez les insectes et les acariens. Elles agissent sur les récepteurs de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) et les récepteurs du glutamate, inhibant l’absorption d’ions chlorure régulée par le GABA et le glutamate, ce qui entraîne une stimulation neuronale excessive et la mort rapide du parasite [3].
Étant donné qu’un grand nombre d’isoxazolines est désormais disponible dans la plupart des pays, une brève revue bibliographique à propos des molécules les plus couramment utilisées pour traiter la démodécie canine peut être utile. Dix-huit études récemment publiées ont été identifiées à propos des quatre isoxazolines disponibles dans le commerce, et les résultats présentant l’élimination des acariens Demodex spp. sont très encourageants. L’efficacité de l’afoxolaner par voie orale a été évaluée chez 253 chiens, dans sept études [4][5][6][7][8][9][10], tandis que le fluralaner oral et topique a été évalué chez 371 chiens, dans huit études [11][12][13][14][15][16][17][18]. Les détails sont résumés respectivement dans les Tableaux 1 et 2. Des publications concernent aussi deux des autres molécules de cette catégorie de médicaments. Le lotilaner par voie orale a été évalué dans une étude sur 10 chiens : traités trois fois à 28 jours d’intervalle (20 mg/kg PO), ils étaient tous exempts d’acariens au 70e jour, sans effets indésirables notés [19]. Deux études contrôlées ont également examiné l’efficacité du sarolaner par voie orale. Dans une étude, 8 chiens ont été traités trois fois à 30 jours d’intervalle (2 mg/kg PO) avec du sarolaner seul, tandis que 8 autres chiens ont été traités avec un spot-on hebdomadaire contenant de l’imidaclopride et de la moxidectine [20]. Tous les chiens étaient exempts d’acariens au 44e jour ; il n’y a pas eu d’effets indésirables, mais le sarolaner par voie orale a été jugé plus efficace que le spot-on. Une deuxième étude de non-infériorité a comparé les deux mêmes produits [21] : 53 chiens ont été traités à 30 jours d’intervalle (2-4 mg/kg PO), tous les chiens étaient exempts d’acariens au 150e jour, tandis que 28 autres chiens ont été traités chaque semaine ou chaque mois avec le spot-on à l’imidaclopride-moxidectine. Il n’y a pas eu d’effets indésirables avec le sarolaner par voie orale et les résultats se sont à nouveau révélés meilleurs qu’avec le traitement topique.
Type d’étude et référence
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Protocole thérapeutique et résultats
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Étude contrôlée – 8 chiens [4]
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• 3 doses à 14 jours d’intervalle et une quatrième dose 28 jours plus tard (≥ 2,5 mg/kg PO)
• 100 % d’élimination des acariens à J 84
• Aucun effet indésirable
• 8 autres chiens traités avec un spot-on à base d’imidaclopride et de moxidectine (aux mêmes intervalles)
• Meilleurs résultats avec l’isoxazoline qu’avec le traitement en spot-on
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Série de cas – 4 chiens [5]
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• 3 doses à 28 jours d’intervalle (≥ 2,5 mg/kg PO)
• 100 % d’élimination des acariens à J 56
• Aucun effet indésirable
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Série de cas (non-publiée) – 102 chiens [6]
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• Traitement toutes les 2 à 4 semaines (≥ 2,5 mg/kg PO)
• 100 % d’élimination des acariens à J 90
• Aucun effet indésirable noté
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Série de cas – 6 chiens [7]
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• 1, 2 ou 3 doses ; espacées de 21, 28, 35 ou 42 jours (2,7-5,6 mg/kg PO)
• 100 % d’élimination des acariens à J 77
• Aucun effet indésirable
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Série de cas – 15 chiens [8]
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• Traitement avec une association d’afoxolaner et milbémycine oxime
• 3 doses à 28 jours d’intervalle (2,5-6,3 mg/kg PO)
• 99,9 % de réduction des acariens à J 84
• Aucun effet indésirable
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Série de cas – 50 chiens [9]
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• Traitement avec l’afoxolaner (31 chiens) ou une association d’afoxolaner et milbémycine oxime (19 chiens)
• 3 doses à 28 jours d’intervalle (2,5-2,7 mg/kg PO)
• 98 % de réduction des acariens à J 84
• Effets indésirables : vomissements (1 chien)
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Série de cas – 68 chiens [10]
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• Traitement avec une association d’afoxolaner et milbémycine oxime
• 1 seule dose (2,50-5,36 mg/kg PO)
• 82,4 % de réduction des acariens à J 28
• Pas d’effets indésirables observés
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Type d’étude et référence | Protocole thérapeutique et résultats |
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Étude contrôlée – 8 chiens [11] |
• Une seule dose (≥ 25 mg/kg PO)
• 100 % des acariens éliminés à J 56
• Pas d’effets indésirables
• 8 autres chiens traités avec un spot-on à base d’imidaclopride et de moxidectine (3 doses à 28 jours d’intervalle)
• Meilleurs résultats avec le fluralaner par voie orale qu’avec le traitement en spot-on
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Série de cas – 163 chiens [12] |
• Une seule dose (≥ 25 mg/kg PO)
• 100 % des acariens éliminés à J 60
• Pas d’effets indésirables
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Série de cas – 4 chiens [13] |
• 2 doses à 60 jours d’intervalle (≥ 25 mg/kg PO)
• 98 % des acariens éliminés à J 90
• Pas d’effets indésirables notés
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Cas clinique – 1 chien [14] |
• Une seule dose
• 100 % des acariens éliminés (Demodex injai) à J 49
• Pas d’effets indésirables notés
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Série de cas – 67 chiens [15] |
• 1 à 3 doses à 84 jours d’intervalle (25-50 mg/kg PO)
• 100 % des acariens éliminés à J 90
• Pas d’effets indésirables
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Série de cas – 20 chiens [16] |
• 1 dose (25-56 mg/kg PO)
• 100 % des acariens éliminés à J 56
• Pas d’effets indésirables
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Étude contrôlée – 8 chiens [17] |
• Une seule administration topique en spot-on (≥ 25 mg/kg PO)
• 100 % des acariens éliminés à J 84
• Pas d’effets indésirables
• 8 autres chiens traités avec un spot-on à base d’imidaclopride et de moxidectine (1 fois par semaine ou par mois pendant 84 jours)
• Meilleurs résultat avec le fluralaner en spot-on qu’avec le spot-on d’imidaclopride et de moxidectine
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Étude contrôlée – 100 chiens [18] |
• Une seule administration orale ou topique en spot-on (25-56 mg/kg)
• 100 % des acariens éliminés à J 84 (voie orale) et 98 % d’élimination des acariens à J 84 (spot-on)
• Pas d’effets indésirables • 24 autres chiens traités avec un spot-on à base d’imidaclopride et de moxidectine (1 fois par semaine ou par mois pendant 84 jours)
• Meilleurs résultats avec le fluralaner par voie orale et en spot-on qu’avec le spot-on d’imidaclopride et de moxidectine
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Les isoxazolines semblent vraiment changer la donne du traitement de la démodécie canine, nous permettant de reléguer l’utilisation de l’ivermectine et ses effets indésirables, occasionnels mais alarmants, aux livres d’histoire.
Recommandations pour traiter la démodécie
Lorsqu’il prescrit une isoxazoline pour traiter une démodécie, le vétérinaire doit toujours suivre la posologie recommandée par le fabricant pour prévenir, contrôler, traiter les puces, en fonction du poids et en respectant l’âge minimum requis. Avec certains produits administrés par voie orale, la biodisponibilité du médicament peut être compromise si le chien est à jeun avant la prise, de sorte que le fluralaner et le lotilaner doivent être administrés avec de la nourriture. Avec l’afoxolaner et le sarolaner, les taux plasmatiques sont les mêmes lorsque le médicament est administré avec ou sans nourriture. L’option thérapeutique que je privilégie actuellement pour un chien démodécique consiste à administrer une dose unique de fluralaner, par voie orale ou topique, pour deux raisons. Le niveau de preuve de l’efficacité est d’abord plus élevé (à ce jour, il y a eu plus d’études contrôlées avec cette molécule qu’avec les autres produits) et ensuite, la durée d’action de 12 semaines entraîne une meilleure observance du propriétaire par rapport aux traitements administrés mensuellement [22]. Il existe cependant des alternatives. L’une d’elles consiste à administrer une dose orale unique d’afoxolaner (ou de l’association afoxolaner/milbémycine oxime) une fois par mois pendant trois mois. Ce protocole est également applicable en utilisant le sarolaner par voie orale (ou l’association sarolaner /moxidectine /embonate de pyrantel) ou le lotilaner. Dans la plupart des cas, une antibiothérapie systémique ne sera pas nécessaire ; un traitement antibactérien topique combiné à de bons agents acaricides sera suffisant, sauf en cas d’infection bactérienne grave [1].
Il est cependant prudent de prendre des précautions en traitant une infection par des Demodex avec ces molécules. La disponibilité et les autorisations de mise sur le marché des médicaments contenant des isoxazolines chez le chien varient selon les pays et le clinicien doit tenir compte des recommandations nationales pertinentes en matière de prescription. Si prescrire une isoxazoline pour traiter la démodécie canine représente une utilisation hors AMM, certaines législations nationales ou régionales n’autorisent ce type de traitement que lorsqu’un médicament autorisé dans cette indication a échoué ou est contre-indiqué [1]. En outre, une démodécie généralisée chez un chien adulte peut être associée à un état d’immunosuppression ou à des traitements concomitants pour d’autres affections, si bien que des récidives sont possibles quel que soit le médicament utilisé. Les animaux traités pour une démodécie généralisée doivent être suivis cliniquement et microscopiquement tous les mois jusqu’au deuxième raclage cutané négatif ; un suivi d’au moins 12 mois après l’arrêt du traitement est recommandé avant de pouvoir affirmer qu’un chien est guéri [1]. Enfin, bien que les isoxazolines soient généralement très sûres, elles peuvent occasionnellement provoquer des effets indésirables, notamment des vomissements, de la diarrhée, de l’anorexie, de la léthargie et des convulsions. Si le vétérinaire prescrit ce type de médicaments chez un chien ayant des antécédents de crises d’épilepsie ou d’autres troubles neurologiques, il doit toujours procéder avec prudence. En résumé, les isoxazolines ne devraient être utilisées que chez les patients appropriés, et toujours sous surveillance vétérinaire.
Conclusion
L’introduction récente d’antiparasitaires externes à base d’isoxazolines permet de traiter la démodécie canine de façon apparemment efficace et sûre, avec une faible fréquence d’administration, alors que cette affection est traditionnellement difficile et frustrante à traiter. Il semble que l’ivermectine puisse maintenant être écartée et que le clinicien puisse être plus confiant en choisissant un médicament qui sera bénéfique pour ses patients canins. Cependant, dans le cas où cette classe de médicaments ne dispose pas d’AMM pour être utilisée lors de démodécie, des précautions devront toujours être prises lors de sa prescription.
Vincent E. Defalque
Dr Vétérinaire, Dip. ACVDCanada
Le Dr Defalque est diplômé de l’Université de Liège, en Belgique, depuis 2001. Il a ensuite effectué un internat en animaux de compagnie à VetAgro Sup, en France, et un résidanat en dermatologie vétérinaire à l’Université d’État du Michigan. Il est diplômé de l’American College of Veterinary Dermatology (ACVD) depuis 2006 et travaille actuellement dans des structures privées de référés dans l’Ouest du Canada. Ancien président de la Canadian Academy of Veterinary Dermatology, il est membre du comité de la World Association for Veterinary Dermatology (WAVD). Il s’intéresse particulièrement au diagnostic et au traitement des maladies auriculaires chez les chiens et les chats, ainsi qu’à la dermatologie féline.
Références
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