La clinique durable du 21e siècle
Travailler sur la durabilité d’une clinique vétérinaire permet de proposer des objectifs à l’équipe, de créer de la valeur pour les clients, d’augmenter la rentabilité de la structure et de protéger le futur de la santé animale.

Points clés
Les changements climatiques impactent négativement les efforts faits pour améliorer la santé des animaux ; nous devons tous réagir et les cliniques vétérinaires doivent saisir les opportunités d’améliorer leur durabilité.
Une stratégie « zéro émission nette » fournit un cadre général qui permet à l’équipe d’atteindre ses objectifs, de créer une valeur ajoutée pour les clients et d’augmenter la rentabilité de la clinique.
Obtenir une véritable réduction des émissions et l’engagement de toute l’équipe sont les deux conditions du succès d’une stratégie « zéro émission nette ».
Mettre en place une stratégie « zéro émission nette » sera possible si elle est rendue ludique ; de plus en plus d’équipes vétérinaires seront alors motivées à s’engager dans cette direction.
Introduction
À l’instar de leurs clients qui sont de plus en plus sensibilisés aux conséquences des changements climatiques, les cliniques vétérinaires du monde entier souhaitent adopter un fonctionnement plus durable [1]. Les changements climatiques font peser une menace majeure sur la santé future de tous les animaux [2]. Parce que les équipes vétérinaires sont engagées à veiller sur la santé de ceux-ci, elles doivent agir pour limiter les changements climatiques, cela fait partie de leur rôle. L’essentiel de cet article décrit l’intérêt qui existe pour n’importe quelle clinique vétérinaire à mettre en œuvre une stratégie de développement durable ; la dernière partie présentera brièvement ce qu’il est possible de faire quand une clinique doit être rénovée ou construite. La mise en place de processus durables et une réflexion sur la conception des bâtiments feront progresser l’esprit d’équipe, les objectifs, la valeur ajoutée pour les clients et la rentabilité de la clinique.
La durabilité concerne les déchets
Le terme de « durabilité » est utilisé à propos de sujets différents et il est important de définir ce qu’il signifie dans un contexte environnemental. Les Nations Unies la définissent comme le fait de « répondre aux besoins de la génération actuelle sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins » *. Dans notre pratique quotidienne, la durabilité consiste notamment à ne pas polluer l’air, la terre ou les cours d’eau pour préserver la santé des générations futures. Puisque les émissions de gaz à effet de serre (dont le gaz carbonique ou CO2) sont largement responsables des changements climatiques, la réduction des émissions de CO2 constitue un objectif prioritaire.
* https://www.un.org/en/academic-impact/sustainability
La mise en œuvre d’un programme de développement durable dans une clinique vétérinaire implique d’identifier tous les types de déchets produits. Les équipes soignantes sont consternées par les volumes importants de déchets médicaux produits dans la clinique, mais beaucoup ignorent que les émissions de carbone représentent en fait l’essentiel des déchets.
En 2023, l’auteur a fait le bilan carbone de sa clinique pour animaux de compagnie, qui emploie 6 vétérinaires (Figure 1) : l’audit a révélé qu’elle générait annuellement environ 2,5 tonnes de déchets physiques et 90 tonnes de déchets carbonés en équivalent CO2 [3].

Réduire les déchets à la clinique
La société écoute généralement la voix des vétérinaires et celle-ci a donc un rôle à jouer pour sensibiliser l’opinion à l’importance de la lutte contre les changements climatiques. Deux modes d’action principaux sont utilisables.
- Réduire les émissions à la clinique : cet objectif doit être intégré par les cliniques pour participer à l’engagement social visant l’objectif « zéro émission nette ».
- Donner envie aux clients de réduire leurs émissions : environ deux tiers de la population ont des animaux de compagnie ou s’occupent d’animaux, et ils fréquentent donc régulièrement les cliniques vétérinaires [4]. Celles-ci ont donc l’opportunité d’encourager deux personnes sur trois à soutenir activement l’effort de réduction des émissions. Associer l’action climatique à la santé animale est une attitude responsable qui peut donner envie à la société d’exiger du gouvernement qu’il fasse évoluer sa politique ; la législation est en effet l’outil le plus efficace pour réduire l’impact des changements climatiques. Si une clinique vétérinaire considère normal de faire des efforts pour réduire ses émissions, les gens se diront probablement : « si ma clinique vétérinaire le fait, c’est que c’est bien ».
Concevoir une stratégie « zéro émission nette »
D’un point de vue pratique, la durabilité passe par la réduction des déchets. L’empreinte carbone de ceux produits dans une clinique vétérinaire peut servir à évaluer et à hiérarchiser les actions à mener, dans une perspective de réduction des émissions à long terme. Cette approche peut être formulée dans une stratégie « zéro émission nette » qui précisera comment réduire les émissions en vue de ralentir la progression du changement climatique. Les éléments clés d’une stratégie « zéro émission » sont listés ci-dessous :
- Purpose: Objectif : l’équipe vétérinaire doit comprendre POURQUOI réduire les émissions est important pour la santé des animaux.
- Stratégie : définir une stratégie à long terme donne une orientation claire à l’équipe. Les objectifs nationaux et internationaux visant à limiter le réchauffement climatique doivent s’aligner sur l’accord de Paris de 2015 [5] qui prévoit « zéro émission nette » en 2050.
- Processus : tous les déchets produits en cliniques vétérinaires ont un équivalent carbone dont la valeur peut servir à identifier et clarifier l’importance de réduire leur production. Les émissions de la clinique sont produites par les différents postes de travail ; en les passant en revue, il est possible d’identifier et de mesurer leur empreinte carbone et de sélectionner les actions prioritaires.
- Moteur : mettre en œuvre une stratégie « zéro émission nette » deviendra de plus en plus indispensable dans un contexte où les changements climatiques risquent de s’aggraver ; cette évidence contribuera à renforcer la décision de respecter la stratégie adoptée.
Les équipes soignantes sont consternées par les gros volumes de déchets médicaux produits à la clinique, mais beaucoup ignorent qu’en pratique, ce sont les émissions de carbone qui pèsent le plus lourd dans les déchets générés.
La stratégie « zéro émission nette » bénéficie aux cliniques vétérinaires
Comme mentionné ci-dessus, la stratégie « zéro émission nette » nécessite d’abord d’identifier les procédures fortement émettrices à la clinique. Bien les analyser induira souvent des bénéfices opérationnels et financiers rapides car de nouvelles façons de travailler apparaîtront d’emblée. Il s’est passé la même chose pendant la récente pandémie de Covid qui a obligé à revoir de nombreuses procédures existantes. Il était évident qu’on pouvait améliorer sa façon de travailler et plusieurs des solutions adoptées, telles que les réunions en ligne et le télétravail, ont perduré après la fin de la pandémie. Une stratégie « zéro émission nette » bien comprise peut avoir de multiples avantages.
1. Avantages financiers
- Économies d’énergie : grâce au remplacement du chauffage électrique par une pompe à chaleur, à l’installation d’éclairages LED, aux panneaux solaires sur le toit (Figure 2) couplés à des batteries…
- Économies liées à la révision des procédures : revoir les protocoles d’anesthésie en vue de réduire les émissions d’isoflurane par la clinique est un bon exemple. Cela passe par l’amélioration de la prémédication, plus d’anesthésies locales ou régionales, l’utilisation de la perfusion à débit constant pour l’analgésie et la réduction des débits gazeux. Ces changements permettent d’économiser de l’argent, d’identifier de nouvelles sources de profit et de mieux soigner les animaux en améliorant la sécurité de l’anesthésie et l’analgésie.
- Révision des chaînes d’approvisionnement : revoir les contrats d’approvisionnement avec les fournisseurs ouvre la voie à l’obtention de meilleurs accords ; il est par exemple possible de demander aux fournisseurs de modifier leurs pratiques en matière de déchets.
2. Engagement de l’équipe
Les équipes soignantes ne sont pas motivées seulement par leur rémunération : les plus performantes sont motivées par un objectif précis dans leur travail. Prendre en compte la planète et la santé future des animaux sont des préoccupations naturelles pour des personnes qui travaillent déjà dans le domaine du soin.
3. Recrutement
Plus de 40 % des membres de la génération Z et des Millennials s’intéressent désormais la politique environnementale d’une entreprise avant de postuler pour y travailler [6].
4. Réglementation
Partout dans le monde, les entreprises doivent maintenant faire le bilan de leur action climatique pour alimenter les données nationales en matière de réduction des émissions. Les groupes vétérinaires importants seront de plus en plus soumis à ces exigences. Une stratégie « zéro émission nette » donne l’occasion aux cliniques d’afficher leur volonté de réduire leurs émissions.
5. Opportunités marketings
Une clinique plus durable sera attractive pour une proportion importante de la clientèle. Des enquêtes menées dans le secteur vétérinaire ont montré que les propriétaires sont prêts à payer davantage pour des services durables [1].
6. Meilleure gestion des risques
- Risques physiques directs : prévoir la survenue d’événements météorologiques extrêmes peut aider à limiter les pertes. Installer des panneaux solaires sur le toit avec une batterie de secours permet par exemple de réduire la facture d’électricité et les émissions de carbone, mais aussi de protéger les médicaments à garder au froid même en cas de coupure de courant due à une tempête.
- Risques liés à la transition : certains matériels et équipements pourraient devenir inutiles dans le cadre de la transition vers une économie bas carbone..
- Risques de litiges : ils sont principalement liés au non-respect éventuel des obligations de l’entreprise.

Premières étapes pour s’engager sur la voie du « zéro émission nette »
Comment une clinique peut-elle commencer à travailler sur le « zéro émission nette » ? Cinq points principaux sont à prendre en compte.
1. Impliquer la direction
L’engagement réel de la direction est indispensable au succès de la stratégie « zéro émission nette » [7]. Les membres du conseil d’administration, les propriétaires de la clinique et les dirigeants doivent comprendre et adopter la stratégie afin de l’intégrer dans le budget, les procédures de soins, le recrutement, la motivation de l’équipe, la politique marketing… L’équipe soignante risque par exemple de se démotiver si on attend d’elle qu’elle réduise l’utilisation des anesthésiques gazeux tout en maintenant le même niveau de soins alors qu’elle n’a pas reçu la formation ou l’équipement adéquat.
La stratégie « zéro émission nette » doit absolument répondre à la question du « pourquoi ». Il est essentiel que la direction explique à l’équipe soignante pourquoi il est important d’agir pour le climat dans le contexte de la santé animale. Les actions doivent aussi s’inscrire dans le cadre de l’engagement déjà existant à toujours améliorer le niveau des soins aux animaux prodigués par la clinique. Les messages seront diffusés lors des formations et en utilisant les voies de communication déjà en place dans l’entreprise, notamment les procédures de fonctionnement, le protocole d’intégration du personnel et les réunions d’équipe.
2. Mesurer l’empreinte carbone
L’empreinte carbone d’une entreprise doit être mesurée selon un processus standard décrit dans le Protocole des gaz à effet de serre [8]. Le bilan carbone est divisé en trois champs d’application (Encadré 1). La manière la plus simple de le faire est de commencer par mesurer uniquement les principales émissions de la clinique dans les champs d’application 1 et 2. Les données sont simples à collecter, l’intérêt financier est évident et des objectifs de réduction des émissions peuvent être fixés. Les factures énergétiques, les achats d’anesthésiques et le kilométrage des véhicules utilisés par la clinique seront analysés puis l’empreinte carbone sera calculée grâce à un simulateur permettant de convertir ces données en tonnes d’équivalent CO2.
L’objectif prioritaire est de parvenir à réduire les émissions dès la première année. Il est donc important de fixer des objectifs simples et réalisables dès le début. Introduire d’emblée des procédures complexes très détaillées risquerait sinon de compliquer la vie d’une l’équipe soignante déjà bien occupée. Comme l’audit carbone devra être répété chaque année, il faut mettre en place des systèmes de récupération des données à partir de la comptabilité et du logiciel métier. Une fois que le calcul des émissions de la clinique concernant les champs d’application 1 et 2 sera réalisé, l’audit de l’empreinte carbone sera complété en intégrant les données relatives au champ d’application 3. L’objectif à long terme est de fixer des objectifs annuels de réduction en vue de parvenir à « zéro émission nette » d’ici 2050.
Encadré 1. Les champs d’application du bilan carbone, illustrés par des exemples vétérinaires.
Champ d’application 1 : émissions produites sur site. Exemples : chauffage au gaz, isoflurane utilisé pour l’anesthésie gazeuse mais rejeté dans l’atmosphère, carburants fossiles consommés par les véhicules de la clinique. |
Champ d’application 2 : émissions liées à l’achat d’électricité. Elles varient d’une région à l’autre selon les sources d’énergie utilisées (charbon, gaz…) pour produire l’électricité. |
Champ d’application 3 : total des émissions générées par les fournisseurs de produits et de services à la clinique. Exemples : émissions induites par les trajets des salariés pour venir au travail, les déchets envoyés en déchèterie, l’incinération des animaux de compagnie, les déplacements et l’hébergement lors des congrès, l’achat de consommables médicaux et l’énergie consommée lors du recours à l’intelligence artificielle. |
3. Faire le bilan
Dans un premier temps, le plus simple sera de calculer le total des émissions des champs d’application 1 et 2 et d’en informer la direction et l’équipe soignante. C’est un bon début, même s’il sera ensuite nécessaire d’ajouter les émissions du champ d’application 3 pour calculer l’empreinte carbone globale. Une fois les émissions totales connues, il sera possible d’évaluer l’intensité carbone de la clinique (exprimée en quantité de carbone émise par chaque vétérinaire travaillant à temps plein) avant de pouvoir comparer les résultats avec ceux de cliniques de tailles différentes. La date du prochain bilan annuel sera également fixée.
4. Stratégies de réduction
Pour réduire ses émissions, il est nécessaire d’analyser comment la clinique fonctionne. Pour chaque source d’émission de carbone, il faut passer en revue les usages liés à cette émission dans la clinique. En pratique, la stratégie de réduction des émissions devra être interrogée sous deux angles : générera-t-elle une baisse significative des émissions et mobilisera-t-elle l’équipe ?
Idéalement, l’objectif est de parvenir à réduire significativement les émissions dès que possible. Installer des panneaux solaires sur les toits et conclure un contrat avec un fournisseur d’énergie renouvelable permet par exemple de réduire significativement les émissions, mais cela implique peu l’équipe. L’engagement de celle-ci est pourtant nécessaire pour mettre en œuvre la plupart des autres programmes de réduction des émissions au sein de la clinique. C’est par exemple le cas des protocoles de recyclage, excellents pour mobiliser l’équipe mais qui ne permettent – pas de réduire autant les émissions que d’autres actions. Viser la baisse de la quantité d’anesthésiques gazeux utilisés à la clinique sollicite en revanche une participation active de la part de l’équipe et contribue efficacement à la réduction des émissions (Figure 3). Revoir les conditions de couchage dans les cages d’hospitalisation est un autre exemple, comme l’illustre le cas pratique présenté dans l’Encadré 2. L’engagement de l’équipe est également nécessaire pour communiquer sur le sujet avec les clients et faire de la stratégie « zéro émission nette » une source durable de valeur ajoutée.
Encadré 2. Cas pratique : révision des systèmes de couchage pour les animaux.
La stratégie « zéro émission nette » a montré que l’empreinte carbone des alèses jetables utilisées dans les cages incluait (champ d’application 3) :
Une solution consiste à remplacer ce type de couchage par des couchages en fibres naturelles recyclées de taille standard, en suivant le processus suivant. Revoir l’approvisionnement
Installation et entretien des cages Lavage et séchage des textiles |

5. Célébrer les succès et valoriser les clients
L’équipe soignante restera plus facilement motivée si les protocoles mis en place seront intéressants ou ludiques. Il est donc important de fêter et de récompenser les succès. La menace existentielle liée aux changements climatiques fait parfois peur et l’anxiété qu’elle suscite peut conduire au découragement ou au rejet de la stratégie. L’adhésion à long terme au projet sera meilleure si le processus est rendu agréable. Il s’agit donc de rendre les objectifs de durabilité et du « zéro émission nette » à la fois normaux, stimulants et divertissants, en utilisant les moyens suivants.
- Publication sur les médias sociaux – en s’assurant de montrer des animaux en bonne santé et heureux, ainsi qu’une équipe souriante (Figure 4).
- Événements annuels : – l’organisation d’un événement pendant le mois de l’audit et de la publication du bilan carbone annuel donne l’occasion d’exploiter l’énergie créative de l’équipe. En Australie, le groupe Vets for Climate Action est par exemple à l’origine du ZerOctober [9], une initiative visant à faire du mois d’octobre le « mois de la durabilité et du zéro émission nette » au sein de la profession vétérinaire. L’Encadré 3 décrit les principaux avantages de cette opération.
- Les conversations avec les clients sont un moyen puissant de valoriser à long terme les efforts réalisés en matière de durabilité et de baisse des émissions. Elles s’installeront plus facilement si les membres de l’équipe se sentent confiants et à l’aise pour discuter des succès obtenus. Il s’agit d’abord d’installer la culture de la durabilité au sein de l’équipe soignante, puis de l’encourager à améliorer ses capacités à initier la discussion autour de la cohérence entre les actions en faveur du climat et l’amélioration de la santé animale.
- La ludification est une technique qui peut être utilisée pour mobiliser les énergies créatives et compétitives au sein de l’équipe. Elle appliquera plus volontiers la stratégie si elle est activement sollicitée pour concevoir et mettre en œuvre des activités ludiques ou des concours.
- Les soutiens individuels ou un petit forum de discussion pourront aider à résoudre certains problèmes et maintenir l’enthousiasme. Des interactions personnelles s’établissent lors des échanges en ligne réguliers au sein de petits groupes, permettant de partager des idées et de se soutenir mutuellement.
Encadré 3. Faire du mois d’octobre le « mois du développement durable » : pourquoi ?
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Nouvelles constructions et rénovations
N’importe quelle clinique peut appliquer une stratégie « zéro émission nette » et améliorer sa durabilité en révisant ses procédures de fonctionnement. La construction ou la rénovation d’une clinique est une situation plus exceptionnelle mais, bien qu’un tel projet soit complexe et puisse paraître lourd à gérer pour des vétérinaires n’ayant pas de compétences en architecture, il représente une formidable opportunité si l’occasion se présente. Il est fortement recommandé de faire appel à un architecte spécialisé en matière de bâtiments à faible émission et qui connaisse les contraintes liées à l’exercice médical ou vétérinaire. En tenant compte de la lumière, de l’espace, des déplacements des personnes et des matériaux, l’architecte valorisera durablement le projet.
La durabilité concerne les générations futures, de sorte que le coût d’un nouveau bâtiment doit être envisagé dans une perspective de long terme. Trois éléments importants sont à considérer : les coûts de la construction, de l’entretien et de l’exploitation. L’importance de l’investissement initial pousse naturellement à vouloir minimiser le coût de la construction, mais cela peut entraîner une augmentation des dépenses futures d’entretien et d’exploitation. Des matériaux de mauvaise qualité devront par exemple être entretenus et remplacés plus souvent, ce qui augmentera les dépenses et perturbera l’activité. Une isolation insuffisante ou une mauvaise orientation des panneaux solaires grèveront le budget énergétique. Le manque de lumière naturelle, des espaces confinés et une mauvaise ergonomie au travail nuiront au moral de l’équipe et à sa pérennité.
L’exemple de la récupération de la chaleur illustre parfaitement la manière dont une conception durable bénéficie à la fois à l’équipe, aux animaux et aux clients. Dans la clinique de l’auteur, les récupérateurs de chaleur fonctionnent en continu dans tous les espaces de travail. Un échange permanent à faible débit s’effectue entre l’air intérieur et extérieur, qui permet le transfert d’énergie. Par rapport à un système de ventilation par extraction, le système de récupération de chaleur est plus économique puisqu’il évite de gaspiller de l’énergie pour chauffer ou refroidir les locaux. L’apport continu d’air frais permet aussi de lutter contre l’odeur résultant de la diffusion de composés organiques volatils provenant des désinfectants, de l’urine et des animaux. Les clients présents dans des salles de consultation confinées respirent de l’air frais, lors de leur arrivée à la clinique les animaux ne sont pas incommodés par des odeurs fortes (ils sont donc moins susceptibles de mordre) et l’équipe vétérinaire respire un air plus pur.Accepter de payer les services d’un bon architecte pour concevoir ou rénover sa clinique sera rentable à long terme. Le travail fait sur la durabilité des locaux permettra de travailler dans de meilleures conditions, de proposer des visites plus agréables aux clients, et de diminuer les dépenses de fonctionnement (Figure 5). Les avantages en termes de bénéfices, de motivation de l’équipe et de valeur ajoutée pour les clients perdureront bien après que le coût de la construction a été amorti.

Conclusion
Les vétérinaires sont en charge de la santé des animaux, mais les changements climatiques font peser une menace majeure sur celle-ci. En adoptant et en impliquant leurs équipes dans une stratégie « zéro émission nette », les dirigeants des cliniques vétérinaires s’engagent dans une voie profitable à long terme : l’équipe sera plus motivée, les clients apprécieront la démarche et la rentabilité de la clinique progressera. Le succès de la stratégie « zéro émission nette » sera grandement facilité si une culture de la durabilité s’installe au sein de l’équipe vétérinaire. Celle-ci doit s’approprier les objectifs, faire preuve de créativité et d’enthousiasme. Cette attitude donnera envie à d’autres personnes de suivre le mouvement tout en bénéficiant aux clients, en créant de la valeur et en encourageant la population à exiger la mise en œuvre d’une politique efficace pour lutter contre les dérèglements climatiques.
Références
- Deluty SB, Scott DM, Waugh SC, et al. Client choice may provide an economic incentive for veterinary practices to invest in sustainable infrastructure and climate change education. Front. Vet. Sci. 2020;7:622199. doi: 10.3389/fvets.2020.622199
- IPCC, 2023: Summary for Policymakers. In: Climate Change 2023: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Core Writing Team, H. Lee and J. Romero (eds.)]. IPCC, Geneva, Switzerland, pp. 1-34, doi: 10.59327/IPCC/AR6-9789291691647.001.
- Brimbank Vet Clinic – Climate Active public disclosure statement. https://www.climateactive.org.au/buy-climate-active/certified-members/brimbank-vet-clinic. Accessed Feb 22nd, 2025
- Pets in Australia: A national survey of pets and people
- United Nations Paris Agreement. https://www.un.org/en/climatechange/paris-agreement. Accessed Feb 22nd 2025
- Deloitte Gen Z and Millennial survey 2024 file:///C:/Users/jerwa/Downloads/deloitte-2024-genz-millennial-survey.pdf
- Watson JA, Klupiec C, Bindloss J, et al. The path to Net Zero carbon emissions for Vet practice. Front. Vet. Sci. 2023;10:1240765. doi: 10.3389/fvets.2023.1240765
- Greenhouse Gas Protocol for Project Accounting. Available at: https://ghgprotocol.org/project-protocol (Accessed Feb 22nd, 2025)
- Vets for Climate Action ZerOctober. Available at: https://www.vfca.org.au/zeroctober, accessed Feb 22nd 2025
En savoir plus
- Climate Change And Animal Health. Stephen C, Duncan C (eds). 1st Ed. London, CRC Press, 2023. ISBN 9780367712020

Jeremy Watson
BVSc (Hons), MANZCVs (SA chirurgie), Clinique vétérinaire Brimbank, Sydenham, Australie
Australie
Diplômé de l’université de Melbourne depuis 1986, le Dr Watson dirige la clinique vétérinaire Brimbank, la première clinique australienne à avoir été certifiée « neutre en carbone », en 2021. Le Dr Watson s’est formé à l’économie circulaire et à la stratégie « zéro émission nette » en entreprise à l’Institute for sustainability leadership de l’Université de Cambridge. Il est l’un des fondateurs et des principaux contributeurs au Climate Care Program, un programme spécialement conçu pour aider les cliniques vétérinaires à limiter leur empreinte carbone et leurs émissions.
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