Comment aborder un chien azotémique

Ecrit par Frankie Easley

En clientèle généraliste, il est fréquent d’avoir à gérer des chiens azotémiques ; une approche méthodique permet d’envisager le diagnostic différentiel de manière réaliste et d’orienter logiquement la préconisation thérapeutique.

Article

5 - 15 min
Échographie abdominale montrant une hydronéphrose chez un chien.

Points clés

Group 15 1

L’azotémie correspond à une augmentation des taux d’urée et/ou de créatinine dans le sang, à la suite d’une baisse de l’élimination rénale.

Group 15 2

Il existe trois types principaux d’azotémie : pré-rénale, rénale et post-rénale ; utiliser cette classification permet de comprendre à quel niveau la fonction rénale est perturbée et quelle en est la cause. 

Group 15 3

Les causes pré-rénales et post-rénales de l’azotémie sont souvent plus évidentes que celles de l’azotémie rénale, et il est donc recommandé de les explorer en priorité.

Group 15 4

Une azotémie rénale ne se manifeste qu’à partir du moment où au moins 75 % de la masse des néphrons est perdue.

Introduction

La fonction principale des reins est de débarrasser l’organisme des déchets azotés et des produits du métabolisme musculaire (comme l’urée et la créatinine) tout en maintenant une bonne homéostasie hydrique, électrolytique et acido-basique. Lorsque les reins ne fonctionnent pas correctement, ces substances s’accumulent et des déséquilibres hydriques, électrolytiques et acido-basiques sont observés. L’azotémie est établie lorsque les taux sanguins d’urée et/ou de créatinine augmentent, secondairement à une baisse de l’excrétion rénale (1). Face à une azotémie, il faut rapidement chercher à savoir pourquoi l’élimination rénale est altérée ; pour mieux comprendre l’azotémie et répondre à cette question, il est cependant nécessaire de comprendre d’abord comment s’effectue l’élimination rénale des déchets et où les choses peuvent mal tourner.

Fonction rénale

L’élimination rénale normale d’une substance, quelle qu’elle soit, commence par sa présentation à l’unité fonctionnelle du rein, le néphron (Figure 1) ; la filtration glomérulaire permet alors de l’extraire de la circulation sanguine et de l’envoyer dans le filtrat tubulaire (2). À partir de là, la substance peut être excrétée telle quelle dans l’urine ou modifiée par les tubules rénaux (réabsorption ou sécrétion active). Les déchets azotés subissent une simple filtration glomérulaire, ce qui signifie que tant que ces substances atteignent les glomérules, elles sont éliminées de la circulation sanguine à un rythme approprié. Chez un chien en bonne santé, il y a environ 500.000 néphrons par rein qui contribuent à produire le filtrat tubulaire (3). Toutes ces unités fonctionnelles convergent vers un système de canaux collecteurs qui drainent le filtrat vers le bassinet du rein. Les uretères le conduisent ensuite jusqu’à la vessie. L’urine, qui contient les déchets ainsi que d’autres constituants, est alors activement évacuée du corps via l’urètre. Une baisse de l’élimination rénale et une azotémie peuvent apparaître dès lors qu’une des étapes normales de la production et de l’élimination de l’urine, du néphron à l’urètre, est inhibée.

Une élévation de l’urée et de la créatinine n’est pas pathognomonique d’une maladie rénale car leurs taux respectifs peuvent augmenter à cause d’un problème rénal ou extra-rénal. Chez un chien azotémique, Il faut donc exclure les causes extra-rénales avant d’aller plus loin dans le diagnostic. Pour appréhender les causes extra-rénales, il est nécessaire de passer brièvement en revue la physiologie de l’urée et de la créatinine.

  • L’urée est produite dans le foie à partir de l’ammoniac, qui est un sous-produit du métabolisme protéique (1). Par conséquent, la quantité d’urée produite dépend étroitement de la fonction hépatique ainsi que du catabolisme protéique et de la digestion des protéines dans l’intestin grêle. L’urée est passivement filtrée au niveau glomérulaire et elle est aussi passivement réabsorbée dans les tubules rénaux, à un rythme dépendant du débit tubulaire (2). Ces rappels nous permettent de comprendre qu’une urémie anormale peut être due à une altération de la fonction rénale mais aussi à des causes extra-rénales, telles qu’une altération de la fonction hépatique, une augmentation du catabolisme protéique ou de la digestion des protéines.
  • La créatinine est normalement produite par le métabolisme musculaire et une augmentation ou une diminution de la masse musculaire peut donc faire augmenter ou baisser la créatininémie (1). La créatinine est également passivement filtrée par les glomérules mais elle n’est pas réabsorbée dans les tubules rénaux (2). Encore une fois, cela nous rappelle qu’une élévation de la créatinine peut être la conséquence d’une diminution de la fonction rénale mais que des causes extra-rénales, telles qu’une augmentation significative de la masse musculaire, sont également possibles.
Représentation anatomique simplifiée d’un néphron, l’unité fonctionnelle du rein.
Figure 1. Représentation simplifiée du flux du filtrat glomérulaire et tubulaire à travers le néphron où il converge vers le système collecteur et sort du rein vers l’uretère. Le glomérule (en rouge) est un système capillaire hautement spécialisé. © Frankie Easley/Redessiné par Sandrine Fontègne

Classification de l’azotémie

Chez le chien, l’azotémie peut avoir trois origines principales : pré-rénale, rénale ou post-rénale. Utiliser cette classification permet de comprendre à quel niveau la fonction rénale est perturbée et de limiter le champ du diagnostic différentiel. L’ensemble des résultats de l’examen clinique et des analyses complémentaires permettra d’orienter vers l’origine principale de l’azotémie.

Présentation de l’azotémie pré-rénale

Une azotémie pré-rénale se développe quand la diminution de la perfusion rénale entraîne l’accumulation de déchets azotés (4). Elle est en général la conséquence d’un trouble circulatoire lié à une déshydratation, une hypovolémie ou une hypotension (Tableau 1). À cause de la chute du flux sanguin rénal, la quantité de déchets azotés arrivant au glomérule diminue, ce qui limite leur filtration de la circulation sanguine. L’examen clinique du chien et l’analyse d’urine permettent de repérer la plupart des cas d’azotémie pré-rénale exclusive. À l’examen clinique, le chien présente souvent des signes évoquant une déshydratation ou une hypovolémie, un souffle cardiaque ou une arythmie, autant d’indices orientant vers une origine pré-rénale de l’azotémie. L’analyse d’urine révèlera souvent une urine concentrée (densité urinaire [DU] > 1,030) (4), sans autre signe de dysfonctionnement glomérulaire ou tubulaire tels que la présence d’une protéinurie, d’une glucosurie (en l’absence d’hyperglycémie) ou de cylindres. Chez ces chiens, la fluidothérapie visant à compenser la diminution de la perfusion rénale permet souvent de faire disparaître l’azotémie. 

 

Tableau 1. Causes pré-rénales de l’azotémie. 

 

  • Déshydratation
  • Hypovolémie
  • Hypotension

 

Présentation de l’azotémie rénale

Dans le cas de l’azotémie rénale, la chute du taux de filtration glomérulaire et l’accumulation de déchets azotés sont dues à une diminution de la masse rénale fonctionnelle (4), dont les causes peuvent être nombreuses (Tableau 2). Il faut cependant se rappeler que la sensibilité de l’azotémie est insuffisante pour toujours signaler la présence de lésions rénales : dans les premiers stades de la maladie rénale, la filtration glomérulaire peut significativement chuter avant que les taux d’urée et de créatinine n’augmentent de manière notable. Chez le chien, l’azotémie rénale n’apparait que lorsqu’au moins 75 % de la masse des néphrons est perdue (4). Il est donc évident que des lésions rénales importantes peuvent se développer avant que les analyses de laboratoire ne détectent l’azotémie. Comme la capacité à produire une urine concentrée dépend de la fonctionnalité des néphrons, en particulier des tubules et des canaux collecteurs, la DU des chiens présentant une azotémie rénale sera inférieure à 1,030. Un déficit de la capacité de concentration urinaire est observé dès que 66 % des néphrons deviennent non fonctionnels ; il est donc souvent détectable avant l’azotémie elle-même (5). Lors d’azotémie rénale, l’urine est généralement isosthénurique (DU : 1,008 à 1,012), ce qui signifie qu’aucune dilution ni concentration du filtrat n’a lieu au niveau rénal. En plus d’une baisse de la concentration urinaire, d’autres marqueurs de lésions glomérulaires ou tubulaires peuvent apparaître à l’analyse, tels qu’une protéinurie, une glucosurie, des cylindres cellulaires ou granuleux. Enfin, une azotémie rénale sera également suspectée si des déséquilibres minéraux et électrolytiques sont présents, concernant surtout le phosphore, le calcium, le magnésium et le potassium (1). L’élévation du taux de phosphore est particulièrement fréquente lors de maladie rénale aiguë ou chronique, car ce minéral est principalement excrété via la filtration glomérulaire. 

 

Tableau 2. Causes rénales de l’azotémie.

 

  • Maladie rénale congénitale ou familiale 
  • Infection
  • Inflammation
  • Ischémie
  • Tumeur
  • Exposition à des néphrotoxines
  • Causes pré-rénales ou post-rénales récurrentes ou graves
  • Idiopathique

 

Présentation de l’azotémie post-rénale

En cas d’azotémie post-rénale, l’accumulation de déchets azotés dans le sang résulte d’une obstruction urétérale ou urétrale (soit d’origine mécanique : urolithiase, sténose, lésion tumorale/infiltrante ; ou d’origine fonctionnelle : atonie du muscle détrusor, spasme empêchant l’écoulement), ou d’une rupture des voies urinaires (1) (Tableau 3). La collecte et l’élimination normales des déchets azotés sont alors impossibles. Les commémoratifs et l’examen clinique de ces chiens orientent souvent vers une obstruction des voies urinaires (dysurie/strangurie, douleur, néphromégalie, distension vésicale) ou une rupture des voies urinaires (abdomen douloureux, épanchement péritonéal ou rétropéritonéal) (4). La confirmation du diagnostic d’une azotémie post-rénale peut être confirmée par des examens d’imagerie de l’appareil urinaire (radiographie/échographie) et des examens complémentaires (sondage urinaire, prélèvements et analyse d’un éventuel épanchement).

 

Tableau 3. Causes post-rénales de l’azotémie.

 

  • Obstruction des voies urinaires (mécanique ou fonctionnelle)
  • Rupture des voies urinaire

 

Protocole diagnostique

Comme les causes d’une azotémie pré-rénale ou post-rénale sont souvent moins ambiguës à identifier que celles de l’azotémie rénale, il est préférable de les explorer en priorité. Une fois l’azotémie identifiée par des analyses biochimiques et les causes extra-rénales écartées, il est essentiel d’interpréter l’azotémie en fonction de la valeur de la DU (Tableau 4). Une DU supérieure à 1,030 chez un chien présentant des valeurs rénales élevées est compatible avec une azotémie pré-rénale, la déshydratation ou l’hypovolémie doivent alors être corrigées. Si le traitement intervient rapidement, les indicateurs de l’azotémie peuvent redevenir normaux avant que les reins ne soient lésés à cause d’une ischémie prolongée. Si la DU est inférieure à 1,030 l’origine de l’azotémie ne peut pas être exclusivement pré-rénale. Cependant, un chien présentant une azotémie rénale sous-jacente peut également être déshydraté, la composante pré-rénale contribuant à son azotémie. Si l’urine est isosthénurique (DU : 1,008 – 1,012), le filtrat glomérulaire n’est ni dilué, ni concentré par les reins, et une élévation concomitante de l’urée ou de la créatinine suggère une azotémie rénale. La réponse à la fluidothérapie peut également aider à différencier une azotémie pré-rénale d’une azotémie rénale. Par exemple, en cas d’azotémie pré-rénale liée à la déshydratation, la thérapie liquidienne fera disparaître l’azotémie tandis qu’en cas d’azotémie rénale, le traitement n’aura pas d’effet.

 

Tableau 4. Interprétation de la densité urinaire (DU) chez le chien.

 

DU Interprétation
<1,008 Hyposthénurie/urine diluée
1,008 à 1,012 Urine isosthénurique
1,013 à 1,029 Urine moyennement concentrée 
>1,030 Urine concentrée

 

La DU est moins efficace pour différencier les cas d’azotémie post-rénale. Dans ce cas, l’imagerie de l’appareil urinaire est nécessaire pour exclure une composante post-rénale. Une radiographie abdominale peut montrer des signes de néphromégalie (Figure 2) ou une distension vésicale consécutive à une obstruction des voies urinaires. Il est alors possible d’observer des zones opaques radio-denses dans les reins, les uretères, la vessie ou l’urètre, évoquant une urolithiase. Il est important de noter que l’idée reçue selon laquelle certains urolithes ne sont pas radio-opaques n’est plus fondée. Certains types de calculs, comme ceux de cystéine et d’urate, sont moins radio-denses et donc plus difficiles à voir à la radiographie. Outre sa composition, la radiodensité d’un calcul est aussi influencée par sa taille. L’aspect du calcul à la radiographie reste l’un des outils les plus fiables pour prédire sa composition. L'échographie abdominale peut montrer des signes d’hydronéphrose (Figure 3) ou un hydro-uretère consécutif à une obstruction urétérale, elle-même secondaire à la présence d’un calcul ou d’un rétrécissement urétéral, ou d’une masse. L’imagerie peut aussi mettre en évidence un épanchement péritonéal ou rétropéritonéal, ce qui peut faire suspecter une rupture des voies urinaires. Dans ce cas, pour exclure ou confirmer la présence d’un uro-abdomen, il est recommandé de prélever du liquide et de comparer sa concentration en créatinine ou en potassium à celle des concentrations sériques respectives. La prise en charge d’une azotémie post-rénale dépend essentiellement de la cause sous-jacente mais il est important de se rappeler que l’absence de traitement peut favoriser des lésions des néphrons et entraîner le développement d’une azotémie rénale. 

Radiographie abdominale montrant un rein droit hypertrophié et des calculs urinaires de struvite chez un chien.
Figure 2. Radiographie abdominale latérale chez un chien présentant une néphromégalie sévère à droite et un calcul vésical (non obstructif), probablement composé de struvite. © Frankie Easley
Une fois les causes post-rénales de l’azotémie écartées, si la densité urinaire n’est pas compatible avec une origine exclusivement pré-rénale de l’azotémie (DU < 1,030), il faut affiner le diagnostic concernant la maladie rénale. Celle-ci apparaît quand un nombre important de néphrons sont lésés et non-fonctionnels. Une azotémie rénale entraîne d’autres modifications biochimiques liées à la baisse du taux de filtration glomérulaire, tels qu’une hyperphosphatémie, une hyperkaliémie et des perturbations de l’équilibre acido-basique. L’azotémie rénale peut être présente lors d’insuffisance rénale aiguë (IRA), de maladie rénale aiguë (MRA) ou de maladie rénale chronique (MRC). La baisse de la fonction rénale qui accompagne une IRA se produit dans les 7 jours tandis que le délai est de 7-90 jours pour une MRA et > 90 jours pour une MRC (6). Il est également possible qu’un chien atteint d’une MRC préexistante développe une IRA (« maladie aiguë sur un fond chronique »). Ces processus pathologiques étaient autrefois considérés comme distincts les uns des autres, ils sont désormais jugés interdépendants, la principale différence étant la vitesse de progression de la maladie (7). 
Échographie abdominale montrant une hydronéphrose chez un chien.
Figure 3. Image échographique de l’abdomen d’un chien présentant une hydronéphrose sévère à gauche, probablement secondaire à un carcinome urothélial responsable d’une obstruction au niveau de la jonction urétéro-vésiculaire gauche. © Frankie Easley

Il n’est pas toujours évident de savoir si une azotémie rénale récemment identifiée est de nature aiguë ou chronique, mais l’anamnèse, l’examen clinique et les analyses fournissent généralement des indices permettant de faire la différence. Comme le nom l’indique, les chiens présentant une IRA ont tendance à développer des signes cliniques importants, comme de la léthargie et des vomissements (8). À l’examen clinique, les reins sont en général de taille normale ou augmentée, éventuellement douloureux. Les causes les plus fréquentes d’azotémie rénale aiguë sont l’ischémie, l’inflammation, l’exposition à des néphrotoxines et les maladies infectieuses (8). Les autres causes possibles sont l'hypercalcémie et une affection glomérulaire telle qu’une glomérulonéphrite. L’inflammation et l’ischémie peuvent résulter de nombreux processus pathologiques sous-jacents, notamment une pancréatite, une péritonite, un pyomètre, une pneumonie, une gastro-entérite sévère, une acidocétose diabétique et un coup de chaleur. L’éthylène glycol, les raisins frais/secs et le surdosage d’anti-inflammatoires non stéroïdiens sont des exemples d’intoxications fréquemment responsables d’IRA. La pyélonéphrite et la leptospirose sont les maladies infectieuses les plus susceptibles de toucher les reins. En gardant ces hypothèses à l’esprit, le bilan diagnostique d’une azotémie rénale aiguë pourra donc s’appuyer sur une anamnèse approfondie, une numération-formule, un bilan biochimique, une analyse d’urine avec examen du sédiment, une culture urinaire en aérobie, le calcul du ratio protéines/créatinine urinaire (RPCU) le cas échéant, une échographie abdominale, des radiographies thoraciques et un test d’agglutination microscopique de la leptospirose. L’étiologie reste cependant inconnue dans environ 25 % des cas d’IRA (8). 

Une MRC traduit le déclin irréversible et progressif de la fonction rénale à cause d’une atteinte des néphrons fonctionnels (9). Comme son nom l’indique, son développement est lent et insidieux ; les signes cliniques associés sont la polyurie-polydipsie, la perte de poids et l’hyporexie (7). Les résultats de l’examen clinique indiquent souvent la nature chronique de la maladie et comprennent une fonte musculaire, des reins petits et irréguliers et une déshydratation. Les causes les plus fréquentes de MRC sont une infection, une inflammation, une maladie rénale obstructive antérieure ou partielle, une ischémie et une maladie rénale familiale. Une tumeur rénale primaire ou métastatique peut également être en cause mais l’étiologie à l’origine de la perte de néphrons et conduisant à une MRC reste le plus souvent inconnue. Lors d’azotémie rénale chronique, le bilan diagnostique courant s’appuie sur les éléments déjà énumérés plus haut, en ajoutant les biopsies rénales en cas de suspicion de maladie familiale ou présence d’une protéinurie importante. Si l’étiologie sous-jacente est connue, elle orientera le traitement des chiens présentant une azotémie rénale aiguë ou chronique. Le pronostic tend à être meilleur lors de maladies infectieuses car elles sont généralement les plus susceptibles d’être traitées.

Séquelles possibles de l’azotémie

L'hypertension, l’hyperphosphatémie et la protéinurie sont des séquelles graves fréquemment observées chez les chiens azotémiques, elles influencent toutes la morbidité et la mortalité. L’azotémie est une cause fréquente d’hypertension secondaire chez le chien, avec une prévalence rapportée allant jusqu’à 93 % (10). Une hypertension non traitée peut entraîner des lésions des organes cibles, dont les reins, et provoquer ainsi des lésions rénales progressives et une azotémie. Il est donc recommandé de mesurer régulièrement la pression artérielle systolique et de faire un examen du fond de l’œil. La protéinurie peut être consécutive à une maladie rénale sous-jacente et elle joue sans doute un rôle dans l’apparition de lésions rénales progressives. De plus, une protéinurie non contrôlée est associée à un risque accru d’effets indésirables chez le chien (11). Il est recommandé de quantifier la protéinurie en évaluant le RPCU d’un chien chez qui une protéinurie est détectable par une bandelette et dont le sédiment est inactif. Le phosphore est principalement éliminé par voie rénale et par conséquent, sa concentration sanguine augmente chez les chiens dont la filtration glomérulaire est altérée. Prendre en charge l’hyperphosphatémie diminue le risque de développement d’une hyperparathyroïdie secondaire rénale. (9). L’alimentation diététique à visée rénale est considérée comme la prise en charge de première intention pour le traitement de l’hyperphosphatémie et de la protéinurie. Ces aliments contiennent des quantités restreintes de protéines et de phosphore, et chez les chiens atteints de MRC, il a été démontré qu’ils réduisent le risque de crise urémique, ralentissent la progression de la maladie et améliorent la qualité de vie (12). Les chiens atteints de MRC doivent bénéficier d’une surveillance supplémentaire de leurs indices érythrocytaires, notamment d’une numération des réticulocytes, car le développement d’une anémie non régénérative est fréquent. Une MRC implique également de surveiller les taux de la parathormone et de calcium ionisé afin de détecter une éventuelle hyperparathyroïdie secondaire rénale.

Si la DU est inférieure à 1,030, la cause de l’azotémie ne peut pas être exclusivement pré-rénale ; une azotémie rénale sous-jacente peut cependant entraîner une déshydratation et la composante pré-rénale contribue alors à l’azotémie du chien.

Frankie Easley

Conclusion

L’azotémie est couramment mise en évidence chez le chien : ce résultat implique de réaliser une anamnèse et un examen clinique approfondis, ainsi que de bien interpréter les résultats des analyses afin de différencier les causes pré-rénales, rénales et post-rénales. La mesure de la densité urinaire chez tout chien présentant une élévation des valeurs rénales est la première étape diagnostique à réaliser lors de l’investigation d’une azotémie. Une fois établie l’origine pré-rénale, rénale ou post-rénale de l’azotémie, il sera possible d’établir le diagnostic différentiel, de proposer des examens complémentaires et de traiter ou prendre en charge correctement la maladie sous-jacente.

Références 

  1. eClinPath.com, Cornell University. Azotemia. Available at: https://eclinpath.com/chemistry/kidney/azotemia. Accessed Oct 2024
  2. DiBartola S. Applied Renal Physiology. In: Dibartola S. Fluid, Electrolyte, and Acid-Base Disorders in Small Animal Practice. 4th ed. Philadelphia, PA; WB Saunders, 2012; Chapter 2;26-43.
  3. Eisenbrandt DL, Phemister RD. Postnatal development of the canine kidney: quantitative and qualitative morphology. Am. J. Anat. 1979;154:179-193.
  4. Chew D, DiBartola S, Schenck P. Clinical Evaluation of the Urinary Tract. In: Chew D, DiBartola S, Schenck P (eds). Canine and Feline Nephrology and Urology. 2nd ed., Philadelphia, PA; WB Saunders, 2011, Chapter 2;32-62.
  5. Chew D, DiBartola S, Schenck P. Urinalysis. In: Chew D, DiBartola S, Schenck P (eds). Canine and Feline Nephrology and Urology. 2nd ed., Philadelphia, PA; WB Saunders, 2011, Chapter 1;1-31.
  6. Segev G, Cortellini S, Foster JD, et al. International Renal Interest Society best practice consensus guidelines for the diagnosis and management of acute kidney injury in cats and dogs. Vet. J. 2024;305;106068. Doi: 10.1016/j.tvjl.2024.106068.
  7. International Renal Interest Society. Differentiation between acute kidney injury and chronic kidney disease. Available at: http://www.iris-kidney.com/education/education/differentiation_acute_kidney_injury_chronic_kidney_disease.html. Accessed Nov 2024
  8. Rimer D, Chen H, Bar-Nathan M, et al. Acute kidney injury in dogs: Etiology, clinical and clinicopathologic findings, prognostic markers, and outcome. J. Vet. Intern. Med. 2022;36(2):609-618.
  9. Elliott J, Watson ADJ. Chronic kidney disease in dogs and cats. In: Bonagura JD, DC Twedt DC (eds). Kirk’s Current Veterinary Therapy XV. St Louis, MI; Elsevier; 2014;6996-7030.
  10. Acierno MJ, Brown S, Coleman AE, et al. ACVIM consensus statement: Guidelines for the identification, evaluation, and management of systemic hypertension in dogs and cats. J. Vet. Intern. Med. 2018;32(6):1803-1822.
  11. Lees GE, Brown SA, Elliott J, et al. Assessment and management of proteinuria in dogs and cats: 2004 ACVIM Forum Consensus Statement (Small Animal). J. Vet. Intern. Med. 2005;19:377-385.
  12. Harte JG, Markwell PJ, Moraillon RM, Gettinby GG, Smith BH, Wills JM – Dietary management of naturally occurring chronic renal failure in cats. J. Nutr. 1994;124(12 Suppl):2660S-2662S

 

Frankie Easley

Frankie Easley

DVM, Dip. ACVIM, Collège de médecine vétérinaire, Université d’État de Caroline du Nord (NCSU), Raleigh, États-Unis

La Dre Easley est diplômée de la NCSU depuis 2016 et a travaillé un an en clientèle canine et féline avant de retourner à la NCSU pour effectuer un internat, puis un résidanat en médecine interne des animaux de compagnie. Elle a travaillé en clientèle privée et a effectué un postdoctorat d’un an en néphrologie/urologie à la NCSU pour devenir spécialiste.

Partager sur les réseaux sociaux