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Prescription durable 3 / Objectifs à atteindre pour une utilisation responsable des médicaments

Ecrit par Fergus AllertonIan Ramsey et Rosemary Perkins

 

Comment utiliser les médicaments de manière plus efficace et plus responsable chez les animaux de compagnie ? L’équipe vétérinaire doit adopter une approche cohérente, en associant les propriétaires à la réflexion.

Un vétérinaire caresse un chat et tient un flacon de médicaments tout en parlant au propriétaire du chat et à son enfant.

Points clés

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Une utilisation raisonnée des médicaments peut être obtenue en prodiguant des recommandations ou par la règlementation. 

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Savoir gérer les attentes des clients et obtenir des cliniciens qu’ils revoient leurs habitudes de prescription sont les principales difficultés à surmonter avant de prescrire de manière optimale.

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Un bon leadership au sein de la profession, tant au niveau local que national, est essentiel pour installer une culture de la prescription raisonnée des médicaments.

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La délivrance systématique d’antiparasitaires à large spectre dans les programmes de médecine préventive va à l’encontre des conseils d’utilisation raisonnés et scientifiquement étayés prodigués aux propriétaires.

Introduction

L’utilisation vétérinaire d’antibiotiques peut entraîner le développement de résistances aux antimicrobiens (RAM) dans les populations animales et humaines. Il est aussi de plus en plus évident que les médicaments destinés aux animaux de compagnie peuvent avoir un effet globalement nocif pour l’environnement. Ce dernier article de cette série de trois suggère des mesures à prendre pour préserver l’efficacité des médicaments tout en protégeant l’environnement.

Perspectives internationales 

Il existe deux principaux moyens d’améliorer la prescription des médicaments : 

a) les recommandations et 
b) la règlementation. 

L’approche éducative est basée sur la formation des prescripteurs. Le rôle des recommandations officielles pour promouvoir l’utilisation rationnelle des antimicrobiens a été abordé dans l’article précédent de cette série, mais les vétérinaires ne veulent pas toujours adhérer aux lignes directrices qui leur sont proposées (tous les humains sont faillibles) (1,2). En outre, les déclarations des vétérinaires à propos de leurs protocoles de prescription sont généralement plus conformes aux recommandations que ceux qui sont appliqués au quotidien (3,4). Au Royaume-Uni, la pratique du bench marking (via des études comparant l’usage des antimicrobiens entre des cliniques similaires) a permis de réduire les taux de prescription des antibiotiques d’importance critique les plus prioritaires ; cela montre que se comparer à ses pairs peut inciter à modifier ses habitudes de prescription (5). La plupart des pays comptent actuellement sur l’adhésion spontanée aux changements proposés ; cette approche préserve théoriquement l’autonomie des prescripteurs et protège le bien-être des animaux, tout en maintenant l’accès aux traitements essentiels et en encourageant leur utilisation prudente, afin de préserver leur efficacité dans le futur.

La voie règlementaire peut aussi restreindre l’accès à certains antimicrobiens, comme c’est le cas avec le règlement de l’Union européenne (UE) 2019/6. Certains pays européens ont déjà interdit l’utilisation des antimicrobiens classés dans la catégorie A de l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) (comme la vancomycine et les carbapénèmes), et demandent d’attendre les résultats de la culture bactérienne et de l’antibiogramme avant de prescrire des médicaments de la catégorie B de l’EMA. Il existe cependant quelques exceptions à cette règle : notamment au cas où le prélèvement nuirait à la santé de l’animal, si l’agent pathogène ne peut pas être cultivé ou s’il n’existe pas de méthode appropriée pour déterminer la sensibilité de l’agent pathogène. L’objectif de ces lois est de réduire les taux d’antibiorésistances chez les humains en éliminant leur exposition à des réservoirs animaux. Si la liste des antimicrobiens interdits s’allonge encore (en incluant les fluoroquinolones ou les aminopénicillines potentialisées), cela pourrait compliquer le traitement des infections bactériennes graves chez les animaux de compagnie, compromettant ainsi leur santé et leur bien-être.

En France et en Allemagne, ce type de règlementation a entraîné une augmentation significative des demandes d’antibiogrammes dans les laboratoires de diagnostic vétérinaire (6,7). L’utilisation des fluoroquinolones et de la céfovécine a également été réduite (8). En revanche, une étude plus ancienne menée auprès de vétérinaires britanniques travaillant sans restriction légale a révélé que, sur 1 148 cas d’utilisation de la céfovecine chez le chat, seulement cinq antibiogrammes avaient été réalisés (0,4 %) (9). 

Des antiparasitaires contenant du fipronil et de l’imidaclopride sont actuellement en vente libre dans certains pays ; ils peuvent donc être achetés sans ordonnance ou sans avoir consulté un professionnel qualifié. Afin de réduire la contamination de l’environnement, des appels ont été lancés pour revoir l’accès aux antiparasitaires et soumettre leur délivrance à un contrôle plus strict (10). Certains pays, comme la Suisse, prennent d’ailleurs des mesures en ce sens en rendant certains produits accessibles sur prescription uniquement (11).

Promouvoir l’utilisation judicieuse des antimicrobiens passe par plusieurs stratégies, mais la plus importante est d’éduquer les clients.

Fergus Allerton

Évaluations de l’utilisation des antimicrobiens

La mesure de l’utilisation (ou des ventes) d’antimicrobiens est essentielle pour mettre au point une stratégie de contrôle. D’ici à 2030, tous les États membres de l’UE devront communiquer des données standardisées à propos de leur utilisation d’antimicrobiens dans toutes les espèces, en incluant les chiens et les chats. En Espagne, une grève des vétérinaires a été déclenchée par l’introduction du nouveau système national d’enregistrement des données : en cas de non-respect de leurs obligations, les sanctions financières prévues pouvaient en effet atteindre 1,2 million €. La collecte de données pose de nombreux autres défis, notamment comment calculer la quantité d’antimicrobiens utilisée et estimer la masse de la population à laquelle ils ont été administrés. Au Royaume-Uni, la Direction des médicaments vétérinaires a collecté des données permettant de suivre les tendances nationales depuis 2014 (Figure 1) et des chiffres plus précis pourraient bientôt montrer l’impact des mesures nationales mises en place.

Les cliniques vétérinaires et les groupements de cliniques peuvent également produire des données d’utilisation. Mieux connaître les cas dans lesquels les antimicrobiens sont prescrits permettrait de mettre en évidence les indications inappropriées et d’améliorer la formation. Pour évaluer l’adéquation de l’utilisation des antibiotiques, il faut aussi étudier en détail le contexte clinique, qui fait défaut dans les statistiques. Une meilleure compréhension des éléments cliniques de l’utilisation des antimicrobiens pourrait permettre d’adapter les recommandations, afin qu’elles prennent en compte la réalité de la pratique vétérinaire tout en limitant certaines prescriptions lorsque c’est possible. 

Exemples visuels d’affections qui peuvent être traitées en toute sécurité sans recourir aux antibiotiques
Figure 1. Graphique tiré du rapport 2023 de l’Alliance pour un usage responsable des médicaments (chez les animaux de compagnie et les équidés) (autorisation de reproduction).

Surveillance antimicrobienne et environnementale 

En matière de surveillance des RAM, le secteur des animaux de compagnie est en retard par rapport aux autres. Le réseau européen de surveillance des résistances aux antimicrobiens en médecine vétérinaire (EARS-Vet) collecte les données issues des pays de l’UE (12) et un projet britannique conduit par l’Université de Liverpool est en cours pour rassembler des informations similaires. Ces programmes visent à voir plus clair sur les phénomènes d’antibiorésistance, pour prendre ensuite des décisions plus éclairées et améliorer la stratégie globale de lutte. Ces deux projets nécessitent toutefois d’harmoniser les méthodes d’étude et de déclaration.

La surveillance environnementale des antiparasitaires à base de fipronil et d’imidaclopride est essentielle pour évaluer les niveaux de contamination et l’efficacité des interventions. Il est essentiel de développer la recherche sur les impacts des antiparasitaires, notamment sur la pollution des sols, afin d’éviter de céder à la tentation de remplacer un produit nocif largement utilisé par un autre dont les effets sont similaires voire pires. En outre, surveiller les cas de résistance aux antiparasitaires pour animaux de compagnie est indispensable pour garantir leur efficacité à long terme. 

Objectifs futurs pour l’élaboration de recommandations

De nouvelles lignes directrices sont en cours d’élaboration afin d’intégrer systématiquement les résultats issus de la base de données existante, et inclure des recommandations détaillées pour bien utiliser les antiparasitaires chez les animaux de compagnie. Le Réseau européen pour l’optimisation de l’antibiothérapie vétérinaire (ENOVAT) a publié des recommandations concernant le traitement d’une diarrhée aiguë chez le chien. Un consensus concernant la prophylaxie antimicrobienne en chirurgie devrait être publié bientôt. Ces outils sont le fruit d’une collaboration internationale favorisant le partage des connaissances et l’échange d’expériences : ils ont été créés en se basant sur la méthode standardisée AGREE (Appraisal of Guidelines for Research and Evaluation). Cette méthode garantit la transparence et l’engagement respectif des parties prenantes ; elle prend notamment en compte l’avis des propriétaires pour valider ses propositions (se demander « à partir de quand un changement dans la durée de la diarrhée est-il significatif pour le propriétaire ? » en est un exemple). Les futures lignes directrices doivent rester évolutives et intégrer les nouvelles données grâce à des mises à jour en ligne ou des applications, Firstline, du collège vétérinaire de l’Ontario*, est une des premières applications intégrant cette approche.

*https://firstline.org/#:~:text=Firstline%20is%20a%20health%20technology,With%20you%2C%20we%20win!

Le rôle de l’éducation 

Éduquer les propriétaires d’animaux et les équipes vétérinaires est essentiel pour lever les freins qui empêchent de prescrire de manière optimale. Promouvoir une utilisation judicieuse des antimicrobiens requiert de multiples stratégies, mais la plus importante est d’éduquer les propriétaires. Il est indispensable de répondre aux attentes des clients lorsqu’ils viennent à la clinique (Figure 2) ; si les propriétaires d’animaux sont informés des risques liés à l’utilisation excessive des médicaments (tels que la RAM et la contamination de l’environnement), il est probable que leurs attentes seront en phase avec l’amélioration des pratiques. 

Ces échanges peuvent cependant prendre du temps, si bien qu’une consultation particulière (par exemple lors de la première consultation pour un chiot ou un chaton, ou lors de la mise en place d’un programme de médecine préventive) peut être utile pour faciliter la prise de décision éclairée et réduire les prescriptions inutiles de plusieurs médicaments. Les propriétaires attendent des résultats immédiats et croient souvent que les antibiotiques sont nécessaires pour traiter de nombreuses affections courantes. Lorsqu’ils pensent qu’une prescription équivaut à des soins proactifs, le vétérinaire peut se sentir poussé à prescrire des antimicrobiens ou d’autres médicaments injustifiés. Plusieurs études ont cependant montré que les conseils des vétérinaires sont respectés et que de plus en plus de clients sont désormais sensibilisés à la RAM (13). 

Exemples visuels d’affections qui peuvent être traitées en toute sécurité sans recourir aux antibiotiques
Figure 2. L’éducation des propriétaires est essentielle pour garantir un bon usage des antimicrobiens ; si les propriétaires d’animaux de compagnie sont informés des risques liés à la surutilisation des médicaments (tels que l’antibiorésistance et la contamination de l’environnement), ils devraient mieux comprendre quand les antibiotiques doivent ou ne doivent pas être utilisés. © Shutterstock

Des outils pédagogiques, tels qu’un formulaire de non-prescription (Figure 3), peuvent aider le clinicien à dialoguer avec les propriétaires et à conclure la consultation sans prescrire d’antimicrobiens. Les propriétaires d’animaux qui visionnent une vidéo de sensibilisation aux conséquences des RAM avant la consultation sont aussi plus susceptibles d’adhérer aux mesures d’utilisation responsable des antimicrobiens* (Figure 4) (14). Ces ressources gratuites sont accessibles en ligne**.

*https://www.youtube.com/watch?v=4ApEAfN4dWU

**www.bsavalibrary.com/content/book/10.22233/9781913859312


Figure 4. Copie d’écran de l’animation pédagogique réalisée pour sensibiliser les propriétaires au bon usage des antimicrobiens (14). © Enovat
Figure 4. Copie d’écran de l’animation pédagogique réalisée pour sensibiliser les propriétaires au bon usage des antimicrobiens (14). © Enovat
Il est également important d’apprendre aux propriétaires à administrer correctement les médicaments ; cela peut réduire le recours aux antimicrobiens à longue durée d’action qui sont parfois choisis pour des raisons de facilité. Interrogés à ce sujet, nombreux sont les propriétaires qui déclarent se sentir capables d’administrer des comprimés et des médicaments liquides, malgré l’avis du vétérinaire (13). Une fois que le propriétaire a appris comment administrer un comprimé à son chat (Figure 5), il faut cependant garder le contact avec lui si une antibiothérapie est prescrite à l’animal ; cela permet de résoudre rapidement toute difficulté lors de l’administration. Cette éducation des propriétaires implique également d’encourager la formation professionnelle continue et de créer des réseaux de soutien au sein de l’équipe vétérinaire, comme il sera vu plus loin.
Exemples visuels d’affections qui peuvent être traitées en toute sécurité sans recourir aux antibiotiques
Figure 5. Il est important de s’assurer que les propriétaires peuvent administrer les médicaments correctement ; ici, une praticienne montre comment administrer un comprimé à un chat, rapidement et en toute sécurité. © Shutterstock

Au Royaume-Uni, des campagnes telles que la Veterinary Antibiotic Amnesty* encouragent les clients à rapporter tous les antibiotiques inutilisés ou périmés (15). Cela permet d’éliminer les médicaments de manière correcte et sûre, évitant ainsi la contamination environnementale et un risque d’antibiorésistance en cas d’usage inapproprié. Les organisateurs fournissent un kit de campagne contenant de nombreux outils pour les cliniques vétérinaires : affiches, documents pour les clients, conseils pour mener la campagne à bien et contenus rédactionnels à intégrer sur les sites des cliniques vétérinaires et les médias sociaux. Chaque année, Amnesty ouvre une plateforme pour discuter avec les propriétaires d’animaux à propos du bon usage des antimicrobiens.

* www.rumacae.org.uk 

Former les vétérinaires

Former les vétérinaires à bien utiliser les antimicrobiens est également vital : le sujet doit figurer au programme des étudiants de premier cycle, mais aussi dans la formation professionnelle continue des praticiens expérimentés. Cela exige d’avoir des connaissances en microbiologie, pharmacologie, épidémiologie, ainsi que de bonnes bases en matière de gestion de la clientèle. L’acronyme SODAPOP (Source et Organisme, Décision de traiter, Antimicrobiens, Patient, Options, Plan) est un moyen mnémotechnique simple pour mémoriser la démarche (16). Qu’il s’agisse des vétérinaires généralistes ou des spécialistes, on sait que fournir simplement des recommandations n’a que peu d’influence sur la fréquence des RAM (1,2) ; en revanche, les expériences pratiques ont un effet positif (17) et les orientations futures de la recherche clinique ont récemment été définies pour les cliniciens universitaires (18). Le Tableau 1 présente quelques exemples parmi les nombreuses ressources pédagogiques disponibles. 

Tableau 1. Quelques exemples de ressources pédagogiques ; la liste n’est pas exhaustive et il existe de nombreuses autres ressources de qualité disponibles en ligne.

Ressources pédagogiques Origine du cours Lien
Antimicrobial resistance and stewardship initiative University of Minnesota https://arsi.umn.edu
VetTeamsAMR RCVS knowledge https://knowledge.rcvs.org.uk/amr/vetteamamr
Pathway of AMR for veterinary services professional The Fleming Fund and Open University https://www.open.edu/openlearncreate/course/view.php?id=5352
VetAMS online learning program AMR Vet collective https://www.vetams.org
Antimicrobial stewardship in veterinary practice British Society for Antimicrobial Chemotherapy https://www.futurelearn.com/courses/antimicrobial-stewardship-in-veterinary-practice

 

D’autres facteurs sont susceptibles d’influencer la manière dont un clinicien prescrit des médicaments et sont énumérés ci-dessous :

I. Contraintes de temps : une consultation trop courte peut empêcher de faire des examens diagnostiques approfondis ou de bien évaluer les risques, pouvant conduire à une prescription empirique de nombreux médicaments non justifiés cliniquement.

II. La crainte de résultats négatifs : la peur de faire un mauvais diagnostic, de mal traiter une maladie, ou d’entendre des clients insatisfaits se plaindre peut conduire à prescrire des traitements à large spectre ou agressifs, avec des médicaments perçus (souvent à tort) comme entraînant peu d’effets secondaires (tels que les antimicrobiens/antiparasitaires).

III. Habitudes de prescription : des pratiques sous-optimales perdurent dans divers domaines cliniques parce que des habitudes anciennes influencent les collègues, en particulier les nouveaux diplômés. Il faut beaucoup de volonté pour évoluer vers des pratiques plus appropriées.

Il est important de fournir des ressources aux propriétaires pour les aider à administrer les médicaments correctement ; cela peut réduire la dépendance aux antibiotiques à longue durée d’action qui sont parfois choisis pour des raisons de facilité.

Ian Ramsey

Le rôle du leadership 

Un leadership efficace au sein de la profession vétérinaire est essentiel pour lutter contre les RAM, la contamination de l’environnement et l’utilisation excessive d’antiparasitaires. Un effort concerté est indispensable pour promouvoir l’utilisation responsable des médicaments. En encourageant la formation, en mettant au point des stratégies et en préconisant un usage responsable des antimicrobiens, les vétérinaires leaders d’opinion peuvent lutter de manière significative contre la surprescription, tout en préservant la santé animale et la santé publique. 

Au sein de la clinique, un bon leadership joue un rôle crucial pour conduire le changement, mettre en œuvre des protocoles de prescription médicamenteuse (dans le cadre plus large de l’évolution vers une médecine durable) et promouvoir une culture de la responsabilité et de l’éducation. Les responsables de la clinique peuvent agir en diffusant des recommandations claires en matière de prescription (fondées sur des preuves), en encourageant la formation et la prescription raisonnée des médicaments. Les règles fixées dans la clinique garantiront que les médicaments seront utilisés de manière judicieuse, uniquement lorsque cela sera nécessaire, et en s’appuyant sur les résultats des examens diagnostiques contextualisés. Une culture de la responsabilité et de la réflexion devrait englober des audits cliniques en routine, des discussions autour de cas cliniques et le suivi des protocoles de prescription, afin d’identifier les domaines susceptibles d’être améliorés. Il est essentiel d’ouvrir le dialogue et que les vétérinaires se sentent soutenus pour prescrire de manière responsable sans céder à la pression des clients. La formation professionnelle continue est également très importante pour limiter les prescriptions inappropriées ; les responsables doivent faciliter l’accès à la formation pour les cliniciens et l’équipe de soutien, en veillant à ce que tout le personnel de la clinique connaisse les risques associés à des prescriptions injustifiées, ainsi que l’importance des stratégies alternatives. La prévention des infections par la vaccination et l’amélioration des conditions d’élevage, ou leur détection précoce par un suivi régulier en font partie. 

Le leadership doit également encourager l’adhésion aux cadres de référence nationaux et internationaux, tels que ceux fournis par les structures professionnelles spécialisées. Les vétérinaires leaders d’opinion ont ici un rôle majeur à jouer : ils peuvent contribuer à défendre l’intérêt d’une prescription raisonnée dans le cadre des politiques publiques tout en influençant les normes et les politiques industrielles. En travaillant aux côtés des organismes professionnels, des agences de règlementation et des instituts de recherche, ils contribueront à mettre en œuvre des stratégies nationales durables et veilleront à ce que les cliniques vétérinaires respectent les meilleures pratiques en matière de prescription de produits pharmaceutiques.

Il est essentiel de développer la recherche sur les impacts des antiparasitaires, notamment sur la pollution des sols, afin d’éviter de céder à la tentation de remplacer un produit nocif largement utilisé par un autre aux effets similaires, voire pires.

Rosemary Perkins

Programmes de médecine préventive 

Dans le cadre des programmes de médecine préventive proposés par de nombreuses cliniques vétérinaire, les propriétaires d’animaux de compagnie s’attendent souvent à ce qu’on leur fournisse systématiquement des antiparasitaires à large spectre (19). Les propriétaires adhèrent parfois à ces programmes avant d’avoir eu l’occasion d’évaluer le contexte parasitaire de leur animal avec le vétérinaire ou sans avoir reçu d’informations à propos de l’utilisation responsable des antiparasitaires. Dans les groupements de cliniques, les vétérinaires salariés sont encouragés à convaincre le plus de clients possible d’adhérer à ces programmes et les cliniciens peuvent se sentir poussés à délivrer des médicaments car les clients les ont déjà payés et les attendent (20). Une fois prescrits, les médicaments sont souvent renouvelés automatiquement, ce qui est pratique pour la clinique et le propriétaire, mais l’observance n’est pas contrôlée. Cela empêche de fournir des informations judicieuses et scientifiquement étayées aux propriétaires (pour les aider à prendre des décisions éclairées), et limite la liberté clinique des praticiens. Pour éviter l’utilisation excessive de médicaments, il est urgent de faire évoluer ce mode de fonctionnement et de trouver le juste équilibre entre les soins préventifs et l’évaluation des risques fondée sur des faits probants.

Conclusion

Les vétérinaires disposent de nombreux outils pour encourager une utilisation raisonnable des antimicrobiens, mais leurs ressources doivent être renforcées pour lutter efficacement contre l’antibiorésistance et les pollutions environnementales. Les recommandations doivent être en permanence actualisées dès que de nouvelles données sont disponibles. Les autorités sanitaires s’efforcent de quantifier l’usage des antimicrobiens et la prévalence des antibiorésistances ; si l’engagement volontaire de chacun à prescrire de manière raisonnable ne suffit pas à améliorer significativement la situation, des mesures restrictives pourraient être décidées. Il est urgent d’agir et, comme pour le changement climatique, chaque effort compte. Selon les mots de Greta Thunberg, « personne n’est trop petit pour faire la différence ». Les vétérinaires et les propriétaires d’animaux de compagnie doivent travailler ensemble pour protéger l’environnement et préserver les santés animale et humaine futures. En optimisant de manière proactive leurs prescriptions d’antimicrobiens et d’antiparasitaires dès maintenant, les vétérinaires peuvent contribuer à prévenir la nécessité d’une législation restrictive qui pourrait limiter l’accès à des traitements essentiels.

 

Références  

  1. Robbins SN, Goggs R, Kraus-Malett S, et al. Effect of institutional antimicrobial stewardship guidelines on prescription of critically important antimicrobials for dogs and cats. J. Vet. Intern. Med. 2024;38(3):1706-1717.
  2. Del Solar Bravo RE, Sharman MJ, Raj J, et al. Antibiotic therapy in dogs and cats in general practice in the United Kingdom before referral. J. Small Anim. Pract. 2023;64(8):499-506.
  3. Wayop IYA, Wagenaar JA, de Vet E, et al. The development and application of performance indicators to assess veterinarians‘ adherence to the clinical practice Streptococcus suis in weaned pigs guideline. BMC Vet. Res. 2025;21(1):101.
  4. Bollig ER, Granick JL, Webb TL, et al. A quarterly survey of antibiotic prescribing in small animal and equine practices – Minnesota and North Dakota, 2020. Zoonoses Pub. Health. 2022;69(7):864-874.
  5. Singleton DA, Rayner A, Brant B, et al. A randomised controlled trial to reduce highest priority critically important antimicrobial prescription in companion animals. Nat. Commun. 2021;12(1):1593.
  6. Prouillac C. Use of antimicrobials in a French veterinary teaching hospital: A retrospective study. Antibiotics (Basel). 2021;10(11);1369.
  7. Moerer M, Merle R, Bäumer W. A cross-sectional study of veterinarians in Germany on the impact of the TÄHAV Amendment 2018 on antimicrobial use and development of antimicrobial resistance in dogs and cats. Antibiotics (Basel). 2022;11(4);484.
  8. Moerer M, Lübke-Becker A, Bethe A, et al. Occurrence of antimicrobial resistance in canine and feline bacterial pathogens in Germany under the impact of the TÄHAV Amendment in 2018. Antibiotics (Basel). 2023;12(7);1193.
  9. Burke S, Black V, Sánchez-Vizcaíno F, et al. Use of cefovecin in a UK population of cats attending first-opinion practices as recorded in electronic health records. J. Feline Med. Surg. 2017;19(6):687-692.
  10. Loeb J. Call to reclassify some pet ectoparasiticides. Vet. Rec. 2024;195(2):1.
  11. Loeb J. Switzerland to tighten pet parasiticides rules? Vet. Rec. 2025;196(7):251.
  12. Lagrange J, Amat JP, Ballesteros C, et al. Pilot testing the EARS-Vet surveillance network for antibiotic resistance in bacterial pathogens from animals in the EU/EEA. Front. Microbiol. 2023;14:1188423.
  13. Cazer CL, Lawless JW, Frye A, et al. Divergent veterinarian and cat owner perspectives are barriers to reducing the use of cefovecin in cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2023;261(12):1810-1819.
  14. Wright E, Jessen LR, Tompson A, et al. Influencing attitudes towards antimicrobial use and resistance in companion animals – the impact on pet owners of a short animation in a randomized controlled trial. JAC Antimicrob. Resist. 2024;6(3):dlae065.
  15. Allerton F, Jamieson C, Aggarwal R, et al. An antibiotic amnesty can be a One Health tool to tackle antimicrobial resistance. Nat. Med. 2023;29(5):1046-1047.
  16. Cole SD, Burbick CR, Daniels JB, et al. A multicenter evaluation of a metacognitive framework for antimicrobial selection education. J. Vet. Med. Educ. 2024:e20230163.
  17. Acharya KR, Cohen A, Brankston G, et al. An evaluation of the impact of an OPEN stewardship generated feedback intervention on antibiotic prescribing among primary care veterinarians in Canada and Israel. Animals (Basel). 2024;14(4);626.
  18. Maddock KJ, Bowden R, Cole SD, et al. Current state and future directions for veterinary antimicrobial resistance research. Am. J. Vet. Res. 2024:1-8.
  19. Bagster A, Elsheikha H. Perception of UK companion animal veterinarians on risk assessment based parasite control. Vet. Parasitol. Reg. Stud. Reports. 2022;34:100774.
  20. Loeb J. Are pet health plans taking away vets’ clinical freedom? Vet. Rec. 2025;196:87.
Fergus Allerton

Fergus Allerton

BSc, BVSc, CertSAM, Dip. ECVIM-CA, MRCVS, Willows Veterinary Centre & Referral Service, Solihull, Royaume-Uni

Royaume-Uni

Le Dr Allerton est diplômé de l’Université de Bristol depuis 2004 et, après avoir exercé six ans en clientèle pour animaux de compagnie, il a effectué un résidanat en médecine interne à l’Université de Liège, en Belgique. Il travaille actuellement dans une des plus importantes structures britanniques de cas référés, tout en étant membre du comité thérapeutique de la WSAVA. Il s’implique activement dans le domaine de la pharmacie vétérinaire via le réseau European Network for Optimization of Veterinary Antimicrobial Treatment (ENOVAT) et a participé à la rédaction des dernières recommandations sur les antibiotiques (PROTECT ME).

Ian Ramsey

Ian Ramsey

BVSc, PhD, DSAM, Dip. ECVIM-CA, FHEA, FRCVS, Université de Glasgow, Hôpital pour animaux de compagnie, Glasgow, Royaume-Uni

Royaume-Uni

Le Dr Ramsey est professeur de médecine pour animaux de compagnie à l’école vétérinaire de l’Université de Glasgow. Il est diplômé de l’école vétérinaire de Liverpool, a obtenu un PhD à Glasgow et  a été résident à Cambridge. Il est spécialiste britannique (RCVS) et européen en médecine des petits animaux et a publié de nombreux articles sur le sujet. Sa contribution à la médecine des animaux de compagnie a été récompensée par le prix BSAVA Woodrow en 2015 et il est devenu membre du Royal College des vétérinaires praticiens en 2016. Ancien président de la BSAVA, il a siégé dans de nombreux organismes professionnels, dont la Responsible Use of Medicines Alliance pour les animaux de compagnie et les chevaux (RUMA-CAE), et participe à l’Antibiotic Amnesty depuis 2022.

Rosemary Perkins

Rosemary Perkins

BVSc, PGCertSAOpth, PhD, MRCVS, Faculté des sciences biologiques, Université du Sussex, Brighton, Royaume-Uni

Royaume-Uni

La Dre Perkins est vétérinaire praticienne pour animaux de compagnie et aussi chercheuse à l’Université du Sussex. Elle a obtenu un PhD en étudiant les résidus des antiparasitaires pour animaux de compagnie dans l’environnement. Elle est l’auteure de nombreuses publications à ce sujet, en particulier sur le rôle des égouts et des aires de baignade dans la pollution des cours d’eau par les antiparasitaires pour animaux de compagnie. Elle est membre des groupes de travail Producing Rational Evidence for Parasiticide Prescription (PREPP) du Collège impérial, ainsi que de Pet Parasiticides de VetSustain.

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